Le Centre spirituel de Ben Smen à Alger permet une expérience d’hospitalité réciproque entre chrétiens et musulmans. Récit du P. Damien de Préville sj, son directeur.
Un symbole fort
Peu de musulmans y viennent explicitement pour prier : deux ou trois amis soufis (mystiques) viennent prendre quelques jours de « khaloua » (retraite) une ou deux fois par an. Une soirée par an, si possible en Ramadhan, nous invitons nos amis musulmans à un partage explicitement spirituel. C’est en général un temps d’où chacun ressort fortifié dans sa foi et son amitié. Enfin, pour ce qui est de l’explicitement interreligieux, nous accueillons le groupe du « Ribat Essalaam » (Le lien de la paix) qui a vocation à ce partage spirituel entre chrétiens et musulmans, et qui est né au monastère de Tibhérine il y a près de 30 ans. Tout cela additionné représente bien peu, statistiquement, dans l’activité de la maison, mais c’est un symbole fort.
Des propositions ouvertes à tous
Par ailleurs, de nombreux musulmans utilisent la maison, en particulier pour des sessions de formation humaine (PRH – Personnalité et relations humaines), et parfois pour des temps personnels. Certaines personnes refusent cette démarche d’entrer dans une maison chrétienne, ou bien en ressentent un très grand malaise au premier abord. Une fois cette étape franchie nous nous retrouvons le plus souvent en confiance. Nous avons aussi quelques propositions « ouvertes à tous » (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas réservées aux chrétiens) dans notre programme : journées de dessin et peinture, de poterie, de théâtre, de musique et de chant, d’art floral, et même des journées pour médecins et soignants.
Ce que nous partageons dans ces journées n’a pas forcément besoin de se dire avec des mots, encore que souvent la relecture de fin de journée soit explicite : nous vivons ensemble la louange du Créateur, qui a fait de nous des créatifs, qui aime la beauté (seule une déviance intégriste de l’islam pourrait nier cela), et qui a mis aussi en nous un désir de communion entre nous et avec lui, un désir de bien faire avec une grande générosité.
Accueil et respect
Tout cela s’expérimente au quotidien, y compris avec le personnel de la maison, qui est le plus souvent d’une délicatesse et d’une discrétion très respectueuse, qui forcent notre admiration. Ils savent que nous accueillons des musulmans dont la recherche de Dieu les amène jusqu’à un changement de religion, et ils ne s’en offusquent pas. Ils se sentent respectés dans ce qu’ils sont. Ils se doutent bien que nous avons la même attitude avec les autres, en essayant de laisser le Créateur lui-même conduire sa créature de l’intérieur. Pourquoi notre accueil mettrait-il des limites à Dieu ?
Cet accueil est juste si, au moins sous forme d’hypothèse, nous ne refusons pas qu’il soit réciproque. Lorsque je visite les malades à l’hôpital, dans un cadre associatif, beaucoup me demandent si je suis musulman, parce que celui qui fait le bien ne peut être que musulman : je réponds clairement et tranquillement, mais j’essaie de recevoir cette question comme un signe d’hospitalité, même si parfois l’étroitesse d’esprit qu’elle traduit me fait souffrir. Mais la confiance des malades en Dieu au milieu des épreuves les plus graves est sans cesse un stimulant pour ma propre foi.
L’hospitalité réciproque est un défi : elle est le geste même de Dieu, par Marie, dans l’Incarnation.
Damien de Préville, sj
> Pour en savoir plus :
Le site de l’Église catholique d’Algérie
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