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Huit martyrs français de la Compagnie de Jésus se sont consacrés à l’apostolat missionnaire auprès des Hurons. Saints Jean de Brébeuf, Isaac Jogues, et leurs compagnons prêtres martyrs Antoine Daniel, Gabriel Lallemant, Charles Garnier, Noël Chabanel, René Goupil et Jean de la Lande, martyrs, sont fêtés dans la Province le 19 octobre. Au Canada, leur solennité est fêtée le 26 septembre.

Statue de Brébeuf au Sanctuaire des Martyrs, à Midland (Ontario)

Jean de Brébeuf (1593-1649) est le premier missionnaire jésuite à arriver en Huronie (en 1626). Il maîtrise rapidement la langue des Hurons, fonde des avant-postes, convertit des milliers de Hurons à la foi, et inspire à de nombreux confrères jésuites d’être volontaires pour la mission en Nouvelle France. Avec un corps massif, son caractère doux et le cœur d’un géant, il est connu comme l’apôtre des Hurons.

Parmi les huit Français, cinq d’entre eux, tous prêtres, ont enduré courageusement un martyre atroce dans l’actuel territoire du Canada : Jean de Brébeuf (16 mars 1649), Antoine Daniel (4 juillet 1648), Gabriel Lallemant (17 mars 1649), Charles Garnier (7 décembre 1649) et Noël Chabanel (8 décembre 1649). Trois autres, un prêtre, Isaac Jogues (mort le 18 octobre 1646) et deux « donnés », René Goupil (29 septembre 1642) et Jean de La Lande (19 octobre 1646) ont donné leur vie avec un courage héroïque en un lieu qui se trouve aujourd’hui sur le territoire des États-Unis d’Amérique. Ils ont été canonisés par le pape Pie XI en 1930.

Biographie de saint Jean de Brébeuf

À partir des années 1540, les jésuites envoient des missionnaires partout à travers le monde : Inde (1541-1542), Congo (1547), Brésil et Japon (1549), Éthiopie (1555), Chine (1563), Philippines (1581), Acadie (1611). Finalement, en 1625, ils envoient Jean de Brébeuf à Québec afin de convertir les Amérindiens de la Nouvelle-France.

Ce prêtre missionnaire jésuite naît le 25 mars 1593 à Condé-sur-Vire en Normandie, dans le nord de la France. On ne connaît pas grand-chose sur son enfance et sa famille immédiate. En 1617, à l’âge de 24 ans, il entre chez les jésuites à Rouen. En 1622, il est ordonné prêtre malgré sa santé défaillante (il est atteint de tuberculose). Il reste 3 ans à Rouen et, en 1625, il s’embarque pour la Nouvelle-France avec 5 autres missionnaires dont Énemond Massé et Charles Lalemant. Il arrive à Québec en juin de la même année et s’installe sur le territoire de l’actuel lieu historique national Cartier-Brébeuf. Il y reste jusqu’en 1629, quand il retourne en France après la reddition de la colonie aux frères Kirk.

Quatre ans plus tard, en 1633 il repart pour à Québec à sa restitution à la France. Il revient en Huronie et s’installe sur les berges du lac Erie, près de la Baie Géorgienne (aujourd’hui, Ontario). Brébeuf évangélise au nord des Grand Lacs jusqu’en 1642, quand est envoyé à Québec pour prendre la charge de la réserve de Sillery. Le 16 mars 1649, Brébeuf est fait prisonnier par les Iroquois. Le même jour, il subit un supplice atroce. Jean de Brébeuf rédige plusieurs rapports sur ses activités missionnaires. Son dernier rapport est considéré un chef-d’œuvre ethnologique. C’est dans ce rapport qu’il décrit en détail les rites mortuaires des Hurons.

carte jésuites canada nouvelle france
Carte de Nouvelle France des jésuites de 1657, avec la représentation de la mise à mort de Jean de Brébeuf et de Gabriel Lalemant par les Iroquois.

Il est considéré le premier martyr canadien par l’Église. En 1930, Jean de Brébeuf est canonisé par le Vatican. En 1940, Jean de Brébeuf est proclamé saint patron du Canada.

> En savoir + sur saint Jean de Brébeuf (sur le site internet de la Curie générale)

Sur les traces des pionniers : interview vidéo du P. Jacques Monet, historien aux archives nationales des jésuites du Canada

« Jean-de-Brébeuf, saint martyr canadien » : réflexions du P. René Latourelle sj

J’éprouve une grande affection et une grande admiration pour tous nos martyrs, mais, à mes yeux, le plus fascinant de tous est Brébeuf.

Brébeuf, en effet, est non seulement le fondateur de la mission huronne, mais aussi le premier mystique de la Nouvelle-France, le chef de file des ethnologues de la Huronie, l’auteur du premier dictionnaire et de la première grammaire huronne.

Je veux souligner aujourd’hui deux traits de Brébeuf qui en font le modèle des missionnaires du passé, comme aussi le modèle des missionnaires de l’avenir. Le premier est son souci d’inculturation. Évidemment, le mot n’existait pas à son époque, mis il y a chez lui un rare souci d’inculturation. Il en a vécu la réalité bien avant le mot. Délibérément, il s’est fait huron avec les hurons : avec leur régime alimentaire – la fameuse sagamité, faite de poisson et de mais broyés. Il en a aussi adopté le logement, la cabane, avec toutes les incommodités du froid, de la fumée, de la vermine, de la promiscuité des chiens. Et surtout, lui qui appartient au siècle de Corneille, Racine Molière, Lafontaine, Pascal, il n’a pas songé un instant à franciser les Hurons, comme on l’a fait à une époque plus récente avec l’anglais. Mais il les a dotés d’une langue écrite qu’ils ne possédaient pas.

Durant près de 5 ans, il s’est soumis aux moqueries des   enfants qui exprimaient dans leur langue les objets que leur présentait Brébeuf et que celui-ci s’efforçait de transposer en écriture. Le huron, nous le savons, était sans affinité avec nos langues européennes. En outre, c’était une langue pauvre en mots abstraits, et sans équivalent avec notre vocabulaire chrétien.

Du même coup, Brébeuf s’est constitué professeur de tous les missionnaires. On estimait qu’il fallait aux candidats les plus doués une moyenne de 6 ans pour maîtriser la langue. Après 7 ans, le supérieur Jérôme Lalemant ne s’exprimait en huron qu’imparfaitement. Chabanel n’y est jamais arrivé. Brébeuf a été attentif aux exigences de l’inculturation jusqu’au sacrifice de sa Langue et de sa culture.

Deuxièmement, Brébeuf a rendu le Christ présent aux Hurons, et prodigieusement présent dans la manifestation de son amour. Comme S. Paul, Brébeuf a été « saisi, empoigné par le Christ Jésus » (Phil. 3, 12). On peut dire de lui ce qu’on disait de Bérulle : « Il ne voulait que Jésus Christ. Sa langue ne parlait que de Jésus Christ. Sa conduite ne tendait qu’à établir Jésus Christ ». Son supérieur Ragueneau déclare que « l’amour du Christ, chez lui, était comme un feu qui, s’étant enflammé en son cœur, croissait de jour en jour pour y faire régner Jésus Christ »

Qu’est-ce que son vœu du plus parfait, chez lui, sinon une réciprocité d’amour avec le Christ, au quotidien de la vie? Une réciprocité qui s’exprimait par une extraordinaire dévotion à l’eucharistie. Il mangeait sur ses nuits pour prolonger son dialogue avec le Christ Jésus.

Qu’est-ce que son vœu du martyre sinon le suprême témoignage de son amour pour le Christ et le Christ crucifié? Aux jeunes jésuites de France qui rêvent de la mission huronne, il écrit : « Venez, venez, mon cher frère. Ce sont des ouvriers tels que vous que nous attendons, n’appréhendez aucune difficulté puisque toute votre vie est de vous voir crucifiés avec le Christ Jésus ».

Le zèle de Brébeuf ne se distingue plus de celui du Christ. Je trouve dans ses notes spirituelles ce texte d’une audace stupéfiante : « Ô mon Dieu, que n’êtes-vous connu! Que ce pays n’est-il tout converti à vous! Que n’êtes-vous aimé! Oui, mon Dieu, si tous les tourments que les captifs peuvent endurer dans la cruauté des supplices devaient tomber sur moi, je m’y offre de tout mon cœur, et volontiers je les souffrirai ».

Cher Jean, cher Jean de Brébeuf, comme nous nous sentons petits devant toi, si grand! Donne-nous nous un peu de ton attachement au Christ! Un peu de ton intrépidité apostolique face à un monde païen ou indifférent. Jean, aide-nous, nous t’en supplions.

> Source : jésuites du Canada

Écrits spirituels de saint Jean de Brébeuf

Que je meure pour toi, Seigneur Jésus, toi qui as daigné mourir pour moi.
Durant deux jours j’ai éprouvé sans discontinuer un grand désir du martyre et j’ai souhaité endurer tous les tourments qu’ont soufferts les martyrs.

Que te rendrai-je, mon Seigneur Jésus , pour tous les biens que tu m’as faits ? Je prendrai ton calice et j’invoquerai ton nom . Je fais donc vœu, en présence de ton Père Eternel et du Saint-Esprit, en présence de ta très sainte Mère et de son très chaste époux Joseph ; devant les anges, les apôtres et les martyrs, et mes bienheureux Pères Ignace et François-Xavier ; je te fais vœu, dis-je, mon Seigneur Jésus, si tu m’offres miséricordieusement la grâce du martyre, à moi ton indigne serviteur, de ne jamais me détourner de cette grâce.

Ainsi, je voudrais qu’il ne me soit jamais permis à l’avenir, soit d’éviter les occasions de mourir pour toi qui se présenteront (à moins que je juge que ce serait pour la plus grande gloire de Dieu), soit de ne pas accepter joyeusement le coup de mort déjà reçu. A toi donc, mon Seigneur Jésus, j’offre déjà joyeusement, à partir de ce jour, et mon sang et mon corps et mon esprit, afin que je meure pour toi, si tu me l’accordes, toi qui as daigné mourir pour moi. Fais que je vive de telle sorte que tu veuilles enfin que je meure ainsi. Oui, Seigneur, je prendrai ton calice et j’invoquerai ton nom : Jésus, Jésus, Jésus.

O mon Dieu, que n’êtes-vous connu ! Que ce pays barbare n’est-il tout converti à vous ! Que le péché n’en est-il aboli ! Que n’êtes-vous aimé ! Oui, mon Dieu, si tous les tourments que les captifs peuvent endurer en ce pays, dans la cruauté des supplices, devaient tomber sur moi, je m’y offre de tout mon cœur, et moi seul je les souffrirai.

(The Jesuits Relations and Allied Documents,
éd. Reuben Gold Thwaites, t. 34, Cleveland, 1898,
pp. 188, 164, 166 ; éd. fr. dans : Jésuites de la Nouvelle France ,
textes choisis par Fr. Roustang, Bruges, 1961, pp. 129, 130, 138).

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