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Le Mexique traverse une grave crise au début du XXème siècle. Les chrétiens, majoritaires dans le pays, sont persécutés par les régimes dictatoriaux athées qui se succèdent. Alors que le peuple prend les armes pour défendre son Dieu, au cri de « Viva Cristo Rey – Vive le Christ Roi », le P. Michel Pro, jésuite, secourt les pauvres et les malheureux. Après des mois d’apostolat clandestin et de traque policière, il est arrêté, condamné injustement, et fusillé dès le lendemain. Béatifié en 1988, il est fêté le 23 novembre.
Michel Pro naît à Guadalupe de Zacatecas au Mexique. Il est le fils d’un ingénieur des mines. Il reçoit la plus grande partie de sa première éducation de divers tuteurs. Lorsqu’il entre dans la Compagnie de Jésus, il n’ pas terminé son éducation secondaire et il a de la peine à accomplir ses études. Il s’efforce de compenser son manque de préparation académique en se donnant à la prière et à la recherche de la sainteté.
Il prononce ses premiers vœux en août 1913, à un moment de l’histoire du Mexique où un conflit grossit. Le général Venustiano Carranza et le bandit Pancho Villa attaquent l’Eglise et le clergé, pillant des églises et torturant des prêtres et des religieux. Le 5 août 1914, un groupe de soldats du général Carranza pillent le bâtiment principal du noviciat et mettent le feu à la bibliothèque. Le Recteur réalise que la situation ne peut qu’empirer, et il dit à tous les membres de sa communauté « Que chacun se fraye un chemin au-delà de la frontière avec les Etats-Unis et de se rendre en Californie », où les jésuites leur offriront un bâtiment à Los Gatos. Le P. Michel Pro arrive là le 9 octobre et y passe une année avant de se rendre en Espagne étudier la philosophie. En 1920, on l’envoit enseigner au Nicaragua, après quoi il retourne en Espagne pour ses études de théologie. En 1924, il va à Enghien en Belgique pour y terminer sa théologie et étudier ensuite la sociologie à Louvain, parce qu’il s’intéresse au mouvement ouvrier et veut se préparer à son retour au Mexique. Il est ordonné en 1925, à un moment où la persécution s’intensifie au Mexique sous Elias Calles.
Le P. Michel Pro n’a aucune difficulté à rentrer dans son pays en juin 1926, mais dès la fin de juillet le gouvernement supprime tout culte public et ferme les églises. Chaque prêtre devient un criminel recherché. Des croyants mexicains désirent recevoir les sacrements, et le P. Michel Pro continue son ministère en secret. Il créé des postes à divers endroits de la ville de Mexico et il les visite régulièrement pour prêcher et administrer les sacrements. Il vit habituellement avec sa famille, mais il a aussi d’autres lieux où se cacher. Deux de ses frères l’aident dans son apostolat en imprimant et distribuant de la littérature pour la Ligue de Défense Religieuse. Le jeune jésuite ne se laisse pas vaincre par la peur et continue à exercer son ministère sacerdotal jusqu’en novembre 1927.
Le dimanche 13 novembre, quelqu’un tente d’assassiner le général Alvaro Obregón par une bombe qui explose sans le tuer. Ni le P. Michel Pro, ni ses frères ne sont mêlés à ce complot, mais l’un d’eux était le propriétaire de la voiture utilisée pour l’attentat (il l’avait vendue quelques jours avant). Les trois frères décident donc de quitter Mexico et de s’enfuir aux Etats-Unis, mais, avant qu’ils ne partent, la police vient entourer leur maison et les arrêtèrent. L’auteur du complot, Luis Segura, se livre à la police, quand il apprend que le P. Michel Pro a été arrêté comme coupable du complot. Le Président Calles veut faire un exemple du P. Michel Pro, même si le vrai coupable est sous les verrous. Le 22 novembre, il invite des amis à assister à une exécution spéciale le lendemain.
Le 23 novembre, des soldats escortent le P. Michel Pro, qui ne se doute de rien, jusque sur la cour de la prison. Quand il voit les spectateurs et le peloton d’exécution, il demande un peu de temps pour prier, et refuse ensuite de se laisser bander les yeux. Tenant son chapelet dans la main, il se met devant le mur déjà plein de traces de balles et étend les bras en forme de croix. Quand vient l’ordre de tirer, il cria « Vivo Cristo Rey ! Vive le Christ Roi ! ».Son frère Humberto est exécuté plus tard ce matin-là, mais Roberto est épargné à la dernière minute. Luis Segura est aussi exécuté cette même matinée. Le père du P. Michel Pro réclame le corps de son fils et organise une veillée dans sa maison. Des milliers de travailleurs et de soldats viennent saluer le corps du martyr.
Le P. Michel Pro est béatifié le 25 septembre 1988 par le pape Jean-Paul II.
Source :
Initialement regroupé et édité par le P. Tom Rochford sj
Traducteur: Guy Verhaegen
Extraits des lettres du bienheureux Michel Pro, prêtre et martyr
Dieu parle-t-il à nos âmes ?… Oui, et avec les mots les plus doux. Il parle et l’âme comprend sa voix. Je le sais d’expérience, et je te le confesse : je n’ai pas les dons que tu possèdes pour saisir de telles paroles ; bien plus, tout au contraire, j’ai tout ce qui s’y oppose, embarrassé par des obstacles de toutes sortes, et cela non pour des causes ne dépendant nullement de moi, mais en raison de manières d’être qui s’opposent à ces paroles. Mais, dans son infinie miséricorde, Dieu a jeté ses yeux sur cet arbre sec et stérile qu’est ma vie ; voyant d’avance la statue qu’il en pourrait ensuite tirer par sa vertu, il a daigné m’appeler et me tirer, malgré moi, du monde corrompu dans lequel je végétais, en sorte que s’accomplissent ces mots admirables du psalmiste : Du fumier il relève le pauvre pour qu’il siège parmi les princes, parmi les princes de son peuple.
Pendant toutes les années de ma vie religieuse je n’ai trouvé d’instrument plus rapide et plus efficace pour vivre dans une étroite communion avec Jésus que la sainte Messe… En elle tout est vu d’un autre regard, tout se situe dans un horizon plus large, tout est ressenti d’une manière plus noble et plus spirituelle. Bien plus, tu te sentiras transformé par elle ; il y a comme quelque chose de plus divin qui inonde ton âme et te transforme totalement en quelqu’un de différent ; ce n’est rien d’autre que le caractère qui doit être imprimé, rien d’autre que la plénitude de l’Esprit-Saint qui, devant consumer tout ce qu’il y a d’humain, fera naître en toi la vie divine, te faisant plus étroitement participer à la nature divine.
Ce que je découvre en moi, que je n’avais jamais ressenti jusque-là et qui fait que je vois tout différemment, ne vient ni des études ni de notre sainteté, aussi grande ou aussi faible qu’elle soit, bien plus ne procède de rien qui soit personnel, de rien qui soit humain. C’est, en effet, le sceau qu’imprime l’Esprit Saint, ce que nous appelons le caractère sacerdotal ; il nous donne une participation plus intime à cette vie divine qui nous élève et même nous divinise ; c’est une force si puissante que devient facile ce que nous souhaitions et désirions et que nous n’avions jamais pu réaliser jusque-là.
Je n’aurais pas pris conscience de ce changement s’il ne m’avait pas été donné d’être en contact avec les âmes… J’ai immédiatement compris qu’il avait plu à Dieu de se servir de moi comme de son instrument pour répandre ses biens. Combien sont nombreuses les âmes que j’ai remplies de sa consolation ! Que de peines et d’afflictions j’ai écartées ! Que d’allégresse j’ai pu donner à certains pour qu’ils s’avancent plus courageusement sur le rude chemin de la vie ! Ce sont deux hommes qui, bien que persuadés d’être appelés par Dieu, s’étaient pourtant séparés de lui et qui revinrent à lui ; et encore quelqu’un qui pensait sérieusement à s’en aller du séminaire et qui y est encore maintenant et y persévère dans une recherche ardente de la volonté de Dieu. N’est-il pas évident que tout ce que j’ai fait, c’est par la grâce du sacerdoce que je l’ai fait, conduit par l’Esprit-Saint, lui qui n’a rien d’humain et dont je n’ai commencé à sentir l’action qu’à partir de mon ordination sacerdotale ? …
Il est absolument évident que la persécution arrive et qu’il semble à beaucoup qu’on doit s’opposer à la violence par la violence ; les premiers à périr seront ceux qui se seront fait le plus remarquer dans la vie religieuse ; et je suis assez regardé comme étant l’un d’entre eux. Puis-je être de ceux qui sont parmi les premiers à exceller en cela … ou, pour être plus modeste, parmi les derniers, pourvu que je sois de leur nombre ! …
L’obéissance vaut mieux que les victimes … et c’est avant tout pour cette raison que j’ai décidé de rester là où je me trouve. Qu’il me soit pourtant permis d’ajouter quelques mots, sans que cela paraisse en aucune manière être une plainte et une critique. La situation actuelle abonde en dangers de toutes sortes, et je me souviens bien que le Seigneur nous demande de nous aider nous-mêmes si nous voulons qu’il nous vienne en aide. Mais pourtant on ressent ici une cruelle absence de secours spirituels ; nous apprenons chaque jour que des hommes meurent sans sacrements et qu’il ne se trouve pas de prêtres pour répondre à ce besoin, alors que la plupart de ceux-ci, par obéissance ou par peur, se tiennent cachés. Autant que cela dépend de moi, je pourrais certes affronter ces dangers, non pas n’importe comment, mais avec prudence et précaution, en sorte que je ne semble pas agir à la légère. Celui qui est mon supérieur a peur et, chaque fois qu’on discute de l’une ou l’autre chose, craint toujours le pire. Quant à moi, j’estime qu’il y a un juste milieu entre la témérité et la peur, entre une extrême prudence et une trop grande audace. C’est ce que je lui ai exposé ; mais il dit qu’il lui faut veiller sur ma vie. Qu’est donc ma vie ? Qu’est donc ma vie ? Ne la gagnerais-je pas magnifiquement si je la donnais pour mes frères ? Il ne faut certes pas la sacrifier stupidement ; mais quand nous souviendrons-nous que nous sommes des fils d’Ignace, si nous nous retirons dès le premier danger ? Je ne pense pas cela pour tous, car très nombreux sont ceux dont dépend l’avenir et qu’il faut donc garder prudemment ; mais qui, demain, aura besoin de moi et me regrettera ? Les dangers auxquels nous sommes affrontés, s’ils n’ont pas encore vraiment accru le nombre des catholiques, ont du moins produit des martyrs … Le triomphe ne sera pas longtemps différé ! … Il me semble dès maintenant voir se lever la splendeur de ceux qui se relèvent, splendeur d’autant plus brillante que plus ténébreuse est la persécution qui se déchaîne. De partout nous vient la nouvelle d’agressions, de vengeances, d’outrages ; un très grand nombre ont déjà été tués et chaque jour grandit le nombre des martyrs. Oh ! Puisse-t-il m’être donné de partager leur sort !
(Sources : Antonio Dragon, s.j., Vida intima de Padre Pro ,
ed. Obra Nacional de la Buena Prensa, A.C., México, D.F. 1952, 3 ème éd.,
pp. 177-178 ; 112 ; 113 ; 130 ; 139-140 ; 136).
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