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Rupert Mayer est un homme qui tient à ses convictions. Prêtre jésuite allemand, opposé à l’idéologie nationale-socialiste dès les premières années, il a été une figure de proue de la résistance catholique au nazisme. Le Souverain Pontife Jean Paul II le déclara bienheureux en 1987, au cours d’une cérémonie solennelle à Munich même.
Le bienheureux Rupert Mayer naît le 23 janvier 1876 à Stuttgart. Après ses études secondaires, il dit à son père qu’il veut devenir jésuite. Celui-ci lui demande de d’abord se faire ordonner prêtre. Il commence donc par étudier la philosophie et la théologie et reçoit l’ordination. Il sert ensuite une année comme vicaire de paroisse, avant d’entrer au noviciat jésuite à Feldkirche en Autriche le 1er octobre 1900. Plus tard il montre la même fermeté dans son opposition au mouvement National Socialiste d’Adolphe Hitler.
Rupert Mayer s’établit à Munich en 1912 et consacre le reste de sa vie aux citoyens de cette ville. Il cherche à satisfaire les besoins de ceux qui immigrent dans la ville et cherchent un emploi. Il récolte de la nourriture et des habits, cherche des emplois et des logements. Son terrain d’apostolat change quand l’Allemagne entre en guerre en 1914. Il s’engage comme aumônier volontaire dans l’armée, il sert d’abord dans un hôpital de campagne et accompagne les soldats en France, en Pologne et en Roumanie. Son courage est légendaire quand il accompagne les soldats en première ligne. Il reçoit la Croix de Fer en décembre 1915 pour sa bravoure. Sa carrière militaire prend brusquement fin quand sa jambe gauche est fracassée et doit être amputée.
Il retourne à Munich où les gens souffrent encore des conséquences de la guerre. De nouveau, l’infatigable jésuite se met à circuler dans la ville, aidant les gens, comme il peut.
Son leadership de la congrégation des hommes fait grossir le nombre de membres, si bien qu’il doit circuler dans toute la ville, donnant jusqu’à 70 enseignements par mois. Il introduit une Eucharistie dominicale à la gare principale pour satisfaire les voyageurs. Si Munich était une seule paroisse, il en serait devenu le curé.
Quand les mouvements communistes et socialistes grandissent, il assiste aux meetings, allant jusqu’à partager la plateforme avec les orateurs, de façon à contredire ceux-ci en exposant les principes catholiques, qui contredisent les maux vers lesquels ces mouvements conduisent les gens. A l’opposé de ceux qui approuvent l’ascension d’Hitler au pouvoir, Rupert Mayer se rend compte de la fausseté de sa propagande. Comme il estime qu’un catholique ne peut pas devenir National Socialiste, le conflit devient inévitable entre lui et les Nazis. Plutôt qu’un choix politique, son opposition est une réponse religieuse au mal.
Après qu’Hitler soit devenu Chancelier du Reich allemand en janvier 1933, il chercha à fermer les écoles liées à une Eglise et commença une campagne de diffamation des ordres religieux en Allemagne. Rupert Mayer utilise le pupitre de l’église Saint-Michel dans la ville basse de Munich pour dénoncer cette persécution.
Le 16 mai 1937 la Gestapo lui interdit de parler en public, parce qu’elle ne peut tolérer sa grande influence dans la ville. Il obéit, à l’exception de l’église à l’intérieur de laquelle il continue à prêcher. Il est arrêté le 5 juin et emprisonné pour la première fois. Il reste dans la prison de Stadelheim jusqu’à son procès 6 semaines plus tard, où il reçoit une suspension de condamnation. Ses supérieurs jésuites lui demandent d’abord de rester silencieux, mais ils l’autorisent ensuite à retourner à la chaire, pour se défendre contre les diffamations des nazis pendant son silence.
Il est arrêté pour la deuxième fois et accomplit sa condamnation pendant 5 mois, jusqu’à ce qu’une amnistie générale le libère et lui permette de retourner à Munich, pour travailler dans des petits groupes de discussion.
Les Nazis l’arrêtent pour la troisième fois le 3 novembre 1939. Bien que le P. Rupert Mayere ait 63 ans, ils l’envoient au camp de concentration d’Oranienburg-Sachsenhausen, près de Berlin. Après 7 mois, sa santé se détériore tellement que les responsables du camp craignent qu’il ne meure. Ils ne veulent pas faire de ce prêtre si populaire, un martyr. Aussi ils le placent dans l’abbaye bénédictine d’Ettal, dans les Alpes de Bavière dans un isolement solitaire, où il reste jusqu’à ce que des soldats américains le délivrent en mai 1945.
Il retourne à Munich et reprend immédiatement son ministère à l’église Saint-Michel. Ses années de prison l’ont fortement affaibli… Le 1er novembre 1945, en la fête de la Toussaint, il at une attaque cardiaque pendant qu’il célèbre la messe à et meurt peu après.
Initialement regroupé et édité par le P. Tom Rochford sj
Traducteur : Guy Verhaegen
Homélie du Cardinal Julius Döpfner
Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés.
Ces paroles de l’Évangile s’appliquent éminemment au Père Rupert Mayer, dont le cœur ne brûlait que d’un seul désir, suivre Dieu, qui non seulement le conduisait, mais le poussait aussi sans aucune hésitation dans une seule et même direction. Le Père Mayer, en effet, était empli d’un amour profond et intrépide pour Dieu qu’il priait sans cesse en répétant les mêmes paroles : « Seigneur, comme tu veux, quand tu veux, ce que tu veux et parce que tu le veux ! » Sa vie était ainsi attirée comme par un aimant par Dieu et par sa volonté. « Ils seront rassasiés » : nous savons bien, en effet, comment est mort le Père Rupert Mayer, alors que, après la lecture de cette même page de l’Évangile, il prêchait sur la Béatitude des pauvres ; en effet, s’interrompant par trois fois, il s’était écrié : « C’est le Seigneur, le Seigneur, le Seigneur ! » C’est ainsi que s’accomplissait en lui la parole : « Ils seront rassasiés ». En effet, celui qui tout au long de sa vie avait l’habitude de se nourrir d’une grande familiarité avec Dieu, en ce der-nier instant a été rassasié de cette même nourriture, à l’heure où il sentit que s’accomplissait en lui ce que nous avons entendu dans la lecture d’aujourd’hui : « Nous le verrons comme il est » (1 Jn 3, 2).
Bienheureux les miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde.
S’il fallait illustrer cette parole par les exemples donnés par Rupert Mayer, on ne s’arrêterait jamais de parler. Son cœur immense était si continuellement à l’écoute de quiconque lançait un appel sous le poids du besoin, qu’il entendait immédiatement cette voix, n’hésitant pas à inter-venir. Il n’en examinait pas moins ce qui était plus opportun ; nous constatons particulièrement cela, à l’époque où, pendant la guerre, il fut aumônier militaire : il était, en effet, toujours le premier dans les situations difficiles ! Mais aussi dans la grande ville où il exerça sa charge pastorale, son œil miséricordieux discernait rapidement le besoin, qu’il s’agisse des prisonniers, des ouvriers ou des familles. Il fonda dans ce but la Congrégation des Sœurs de la Sainte Famille ; c’est aussi pour cela qu’il fit tout ce qu’il put pour que la célébration de la messe fut proposée aux voyageurs dans la gare centrale. Ayant mesuré combien les esprits sortaient perturbés de la guerre, il n’épargna rien pour qu’il lui soit possible de participer à des réunions ou à des congrès, du moment qu’il lui était possible de faire entendre ne serait-ce qu’un petit mot d’espérance et de lumière. Une grande partie de chacune de ses journées était consacrée aux confessions et aux entretiens personnels : tout particulièrement s’il fallait venir en aide à quelqu’un à toute extrémité, il allait lui proposer son aide personnelle et prudente. Invité à prêcher, il s’y rendait immédiatement : il parlait volontiers aux hommes, surtout dans la Congrégation Mariale et dans les paroisses, toujours prêt à prononcer des paroles non seulement éclairées par la foi, mais d’une grande simplicité, très adaptées aux faits, extrêmement persuasives.
Bienheureux ceux qui souffrent persécution à cause de la justice, parce que le Royaume des cieux est à eux.
Cette route suivie, elle aussi, par Rupert Mayer nous est un exemple, car toutes les époques de sa vie sont remarquables par sa défense constante des justes causes. La très grande rectitude de son âme et son extraordinaire courage brillèrent plus pleinement sous le nazisme, et cela d’autant plus remarquablement que ses vertus s’associaient à un très grand discernement, celui-là même qui est nettement recommandé dans le discours sur les Béatitudes. Et n’oublions pas ce qu’il n’est pas permis d’ignorer : de tels hommes, qui se sont généreusement consacrés par des activités de toutes sortes au bien de leur prochain, souffrent profondément dans leur cœur toutes les fois qu’il ne leur est pas donné de faire quelque chose au service des autres. Mais alors, une fois accomplie une certaine purification intérieure, persévérant dans l’imitation de Notre Seigneur crucifié, mûrit enfin l’acte d’amour suprême par lequel ils s’offrent totalement et définitivement à Dieu.
Cardinal Julius Döpfner
évêque de Wurtzbourg, puis de Berlin
et archevêque de Munich et de Freising.
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