Michel Jaouen SJ,
« seul Père à bord après Dieu »,
embarque depuis 60 ans sur la mer, des gamins en délicatesse avec la Terre et ses lois. Il était le doyen des « Etonnants Voyageurs » de la 22e édition du festival éponyme de St-Malo (12 juin 2011).
— Un article dans la Croix
P. Michel Jaouen sj « Seul Père à bord après Dieu » >>
— Un livre : « Démerdez-vous pour être heureux ! » >>
De Patrick Filleux
« Bon, on fait vite parc’que j’me tire… c’est pas mon truc tout c’monde… faut qu’je rentre à l’Aber-Wrac’h… » : les mots ont un parfum célinien. Le Bonhomme est bourru et son oeil, bleu, pétillant et salé.
Massif, carré, charismatique dans un vieux costard élimé, pieds nus dans d’antiques mocassins, le cheveux neige en bataille, Michel Jaouen est un appel vivant à prendre le large, à rompre les amarres.
« Faire don de soi aux autres, c’est la seule expression de foi qui compte… Tout le reste, c’est du baratin..! », lâche-t-il en guise de propos liminaire.
Il a traversé l’existence comme il traverse l’Atlantique, à la barre de ses goélettes trois-mâts, le « Bel Espoir » et le « Rara Avis », avec leurs équipages de jeunes en rupture de ban, venus se frotter aux lois implacables de la mer pour mieux comprendre et accepter Celles de la vie. Il insiste: « je suis né à Ouessant (1920); Plus personne ne naît à Ouessant; On accouche à Brest… » C’est sa marque de fabrique aux grands vents océaniques.
Sa vocation ? « J’étais au collège chez les jésuites. Ils m’ont pris comme un crabe dans un casier… »
Séminaire, ordination, passage chez les Spahis de la Légion au Maroc , l’aventure est déjà au coeur du sacerdoce du jeune prêtre. « La mentalité jésuite pousse à l’action. Le jésuite a Le Monde pour paroisse. Il est partout chez lui… », dit-il dans le livre « Démerdez-vous pour être heureux! » que viennent de lui consacrer Chantal Loiselet et Patrick Deschamps aux éditions Glénat.
Il veut partir exercer son ministère en Chine. Nous sommes en 1948 et le pays vient de se mettre en Commune. Évangéliser en Chine Rouge devient un combat perdu d’avance. Mao décide de facto de la destinée de Michel Jaouen.
« On avait besoin d’aumôniers des prisons. J’ai découvert l’univers carcéral », contre lequel, le Breton, homme du vent et de la liberté de l’océan, s’insurge au contact des mineurs embastillés pour des broutilles…
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Un « Bel espoir » qui dure
Extrait de l’Article de Denis Sergent
paru dans La Croix 27 mai 2011
À Paris, dans son pied-à-terre de la porte d’Italie, on se croirait presque à bord du Bel Espoir ou du Rara Avis, les deux trois-mâts de 38 m qui appartiennent à l’association AJD qu’il a lancée voici quarante ans. Une longue table avec deux bancs, une carte marine et de belles photos de voiliers et de paysages maritimes au mur, un écran d’ordinateur dans un coin permettant d’avoir en temps réel, grâce aux satellites, la position géographique de ses ouailles. » Comme cela, ils ne peuvent pas nous raconter d’histoires », dit le P. Jaouen avec un petit air narquois. Sans oublier des effluves de café réchauffé qui traversent agréablement l’atmosphère…
« Il y a encore trois jours, j’étais avec eux. Je passe un tiers de mon temps à Paris, un tiers en mer, et un tiers en Bretagne, dans l’Aber Wrac’h, là où se trouvent le secrétariat de l’association et le chantier naval du Moulin de l’enfer où travaillent une vingtaine de jeunes drogués en réinsertion, encadrés par cinq animateurs », explique, à 91 ans, ce Breton infatigable.
« J’ai beau être né à Ouessant, j’ai toujours été plus intéressé par les gens que par la mer ; le bateau et l’océan ne sont que des outils pour inviter les jeunes paumés que j’emmène à prendre leurs responsabilités, à s’autonomiser et ne pas être assistés », commente le jésuite qui a débuté, durant la guerre, comme professeur au collège Saint-Grégoire de Tours avant de créer, avec un autre prêtre, en 1951 à Lyon, l’association AJD. Originellement Association pour la jeunesse délinquante, devenue plus tard Association jeudi dimanche…
Chantal Loiselet
vient de lui consacrer un livre
« Démerdez-vous pour être heureux ! »,
Glénat, 240 p., 19,95 €.
Embarquer des naufragés de la vie à bord de deux voiliers pour un voyage de plusieurs semaines : c’est le pari fou du père Jaouen et de ses “flibustiers”, depuis près de soixante ans.
Créée par le père Jaouen en 1951, l’association des Amis du jeudi – dimanche embarque chaque année sur le Bel Espoir et le Rara Avis, parmi les passagers, des centaines de jeunes adultes en galère…
Drogue, alcool, délinquance : chacun embarque avec son passé en bandoulière, en espérant trouver là le chemin d’une vie plus simple. L’année 1999 a vu s’ouvrir les portes du chantier naval de l’AJD, destiné à la réinsertion des jeunes par les métiers de la mer. Fort en gueule et en cœur, le père Jaouen, qui a fêté ses 90 ans, continue d’accompagner ces jeunes à la dérive, avec cette philosophie : « Aimez-vous les uns les autres, avec ça vous faites le tour du monde. »
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