Arrivé en février 2010 de Corée du Sud, Minhoi Kim aura passé plus de quatre ans parmi nous, effectuant son premier cycle de théologie au Centre Sèvres. La veille de son retour en Corée, où il a été ordonné prêtre le 2 juillet 2014, il s’était prêté au jeu de cette interview.
Pourquoi avoir choisi la France ?
Trois raisons principales. J’avais étudié le français comme lycéen pendant trois ans… Deuxième chose, au cours de ma régence en 2008-2009, j’ai évoqué à mon délégué à la formation mon désir d’étudier la théologie dans un pays non-anglophone.
Après avoir entendu que ma seconde langue étrangère était le français, il m’a invité à m’y remettre. En raison de ma régence très chargée, en tant que responsable d’un foyer universitaire avec 350 étudiants, j’ai eu du mal !
Troisième raison : les encouragements du jésuite coréen qui m’avait précédé ici.
Quelle première impression à ton arrivée ?
Je me rappelle qu’Alexis Doucet, jésuite de la communauté de la rue Blomet, est venu me chercher à l’aéroport de Roissy-CDG. Alexis avait imprimé sur une feuille mon nom en écriture coréenne : cela m’a paru si étonnant ! Deuxième souvenir : en roulant vers Paris, il essayait de me parler lentement en français : je ne comprenais rien, mais j’ai retenu dès ce moment-là le mot « bouchon ».
Quelles difficultés et quelles joies ?
Ma grande difficulté était la communication en français. Au départ, elle était une telle source de stress que je craignais presque de sortir de ma chambre ; les co-scolastiques de Blomet ont essayé de me parler en anglais, mais même l’anglais je ne le comprenais pas La joie est venue peu à peu avec le début de mon apprentissage du français à la Catho de Paris. Les co-scolastiques de la rue Blomet, les autres étudiants étrangers à la Catho et la communauté coréenne de Paris m’ont beaucoup aidé à m’habituer à la vie en France.
La manière d’être jésuite ici ?
J’ai été étonné de voir que les compagnons français ont des relations étroites d’amitié entre eux… Presque inimaginable en Corée à cause de la culture hiérarchique et de l’influence confucéenne. L’amitié est admise entre jésuites du même âge ; envers quelqu’un de plus jeune ou de plus âgé, la différence générationnelle devient un obstacle. J’ai senti presque de la jalousie à la vue de cette grande chose que je n’avais pas pu trouver en Corée : pouvoir considérer des compagnons comme des amis.
Des coups de cœur en France ?
Parlons d’abord de la nourriture. Même le boudin et l’andouillette, j’aime beaucoup ! Avec le fromage, la difficulté s’envole aussi après quelques mois. En termes de lieux, je ne peux pas oublier le bon accueil dans des communautés jésuites en général, surtout Air Bel à Marseille et La Chauderaie où j’ai rendu quelques services pendant un mois l’été 2010. Désirer vivre une vie communautaire jusqu’à un âge aussi avancé, cela me semble incroyable !
Ton expérience de la théologie occidentale ?
Je suis content de ce séjour en France car il m’a fait découvrir la théorie et les principes. Pour étudier la théologie, même asiatique, il faut bien connaître les principes de la théologie occidentale. En Corée, nous expérimentons un manque d’informations.
Qu’est-ce que tu gardes de ton séjour en France ?
La première chose, c’est l’expérience de la diversité : je pense par exemple au Centre Sèvres, qui regroupe une soixantaine de nationalités dans un même lieu ! En Corée, c’est une certaine uniformité que demande de nous la société, avec une seule langue et une seule culture. Le second est la vie communautaire jésuite en France, avec ses temps habituels comme les réunions de lundi, et les temps forts de vacances par exemple. Mais le plus grand cadeau pour moi, c’est l’amitié, la fraternité. Expérience extraordinaire d’avoir une relation amicale avec des compagnons plus âgés, même avec des Supérieurs. De ce point de vue, le retour en Corée me pose des questions. Je dois désormais y vivre en tant que prêtre, un « berger pour guider des brebis ». Un changement total !
Interview et photos : Peter Karandysovsky sj
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