Conversations avec le P. Adolfo Nicolás sj sur l’Eucharistie : sacrement et transformation

En mai, l’Eglise célèbre la solennité du Saint-Sacrement, la fête de l’Eucharistie. Dans cette conversation, le P. Patrick Mulemi sj parle de l’Eucharistie avec le P. Adolfo Nicolás sj, ancien Père Général de la Compagnie de Jésus.

Certains catholiques peinent à comprendre l’Eucharistie. Que diriez-vous à quelqu’un qui n’éprouve pas une grande « dévotion » envers l’Eucharistie ? Comment peut-il en développer une ?

R. Nous pouvons être victimes de notre mauvaise manière de comprendre ou bien d’une mauvaise catéchèse. Dans l’Eucharistie, nous avons tellement souligné la Présence Réelle, et pendant si longtemps, que nous avons oublié bien d’autres aspects qui ont à voir avec notre vie quotidienne et qui peuvent susciter notre dévotion. Prenez, par exemple, le simple fait que l’Eucharistie soit un échange de cadeaux – nous recevons du pain comme notre nourriture quotidienne ; nous prenons une partie de ce pain et nous l’offrons à Dieu ; le Seigneur transforme ce pain et nous le redonne ; et nous répondons à une telle générosité en devenant CADEAU pour les autres. L’Eucharistie est un échange de cadeaux qui ne cesse jamais, et qui peut changer nos vies.

Autre exemple, prenons nos souvenirs, qui sont souvent négatifs ou quelque peu minables : la célébration change nos souvenirs. Bien sûr, nous ne voulons pas devenir esclaves du souvenir d’une infraction commise ou des mauvaises notes d’un professeur… Eh bien, quand nous, chrétiens, nous réunissons pour célébrer, nous apprenons que nous pouvons faire mémoire de l’amour de Dieu, nous nous souvenons du don de soi de Jésus jusqu’à la fin, quelque chose de bien plus grand et bien plus profond que nos petites infractions et nos petits malaises. En d’autres termes, l’Eucharistie nous entraîne à être généreux, humains, ouverts dans nos relations, et à dépasser les mauvais souvenirs que nous collectons tous dans le cours de notre vie.

Nous pourrions poursuivre avec les nombreuses significations de l’Eucharistie : Réconciliation, Action de grâce, Communion, Sacrifice, etc., mais nous ne pouvons pas tout développer dans la durée de cet entretien.

Les jésuites peuvent mener une vie très dispersée et plutôt occupée. Pensez-vous qu’ils devraient trouver le centre de leur vie dans l’Eucharistie ? Et pourquoi ?

R. Je pense que l’Eucharistie est pour nous une grande puissance unificatrice. Nous menons – comme vous le dites – une vie très occupée et dispersée. Notre mission nous conduit vers autrui, vers des situations personnelles et sociales très diverses. Nous avons besoin d’un centre, d’un temps et d’un espace où nous pouvons tout unifier et savoir que c’est le Seigneur qui le fait parce qu’il nous est présent. L’Eucharistie est ce lieu et ce moment. Saint Ignace vivait de cette réalité et il a pris ses décisions les plus importantes au cours de l’Eucharistie.

Croyez-vous qu’il y ait une spiritualité spécifiquement jésuite de l’Eucharistie et de la messe ?

R. Je crois qu’on peut répondre par l’affirmative à cette question, cependant sans le faire d’une manière tellement spécifique que les autres chrétiens ne se sentiraient pas à l’aise dans nos célébrations. Notre pratique n’est pas trop mauvaise, à cet égard. Les messes jésuites sont célébrées avec des pauses, d’une manière digne, à un rythme qui invite à la méditation et à l’intériorisation. Je suis enclin à dire que les jésuites célèbrent l’Eucharistie d’une manière très semblable à celle du pape actuel. Il y a la méditation de la Parole de Dieu, il y a une pause qui permet d’intégrer tous les souvenirs dans le rite, et il y a du feu dans la communion avec Jésus Christ.

> Source : site de la Curie jésuite à Rome


Commentaires

2 réponses à “Conversations avec le P. Adolfo Nicolás sj sur l’Eucharistie : sacrement et transformation”

  1. L’Eucharistie(Jésus en nous) nous incite à nous orienter vers l’Essentiel et nous rend plus fort .

  2. taranto

    Le mystère eucharistique porte indéniablement la destination du monde créé tel que voulu et accompli par le Dieu incréé. Or, ce Mystère du corps est malmené par une société humaine qui par son génie propre trouve le moyen apparent de s’en affranchir par la découverte de la virtualité binaire, le monde numérique et digital.
    Il faut alors s’interroger sur ce que peut signifier pour l’Homme un monde dont la communication repose sur la présence virtuelle (comme je le fais) à partir d’un échange binaire. Le tout IMMERGE dans une Réalité trinitaire qui est TOUT ENTIERE contenue dans une présence corporelle vivante et réelle.

    La fascination de bcp de catholiques pour l’expressivité protestante dans la Parole de Dieu affranchie du Symbole eucharistique procède et génère de cette fascination pour la simplification des processus de communication.
    Ce n’est pas un hasard si le monde oriental, encore largement tribal et « charnel », est aujourd’hui en conflit, mais aussi en collision avec un monde occidental qui a prétention à être la cérébralité pure de toute pensée universelle.

    Les chrétiens latins sont à la croisée entre JErusalem et Rome, càd entre le juris romain et le facto sémite, le droit écrit et imprescriptible et la Tradition orale (codifiée par la suite) et la coutume famililale qui fait que le judaïsme a survécu à la destruction romaine du Temple et que l’Islam, né à partir des deux traditions, est aujourd’hui la future religion N°un en Europe.

    L’Incarnation est la condition de la réalité eucharistique. Et nous voyons bien que toutes les hérésies consistent d’abord, non pas en des fractures théologiques, mais à la contestation de la corporéité divine, et, corolllairement, en la contestation de l’intégrité corporelle de l’Eglise.

    l’amour, qui est la substance de l’Être divin, et qui est la fibre même des Personnes de la Trinité, est à la fois le principe, le moyen et le but de l’Echange eucharistique qui commence par un don sanglant, càd INCARNANT.

    Communier à la valeur sacramentelle des trivialités du pain et du vin devenus sacralités du corps et du sang, c’est entrer dans le corps même de la Trinité. Cela est aussi valable pour le Pardon qui est reçu parce qu’il est offert, qui est donné parce qu’il est demandé, qui est demandé parce qu’il a été initialement sacrifié et ressuscité des morts.

    Le Pardon ressuscité, le pain et le vin de SHabbat rompu et versé, bénis et partagés, le corps et le sang bafoués et répndus puis élevés et sanctifié (distingué parmi l’infâmie) sont les garantie que l’Homme ne se désincarnera pas lui-même pas plus que Dieu ne sera privé de son Unité.

    Les crimes pédophiles, les persécutions contre les croyants, l’affadissement de la foi ou la relativisation morale censée tempérer les déviations ultra religieuses, trouvent en l’Eucharistie leur propre échec.
    Il ne s’agit pas de se raidir dans ses convictions ou ses certitudes, mais de voir dans la « Korba », le don sacrificiel de Jésus qui n’a de sens que parce qu’il a ouvert son propre tombeau de l’intérieur et pour toujours, la victoire définitive de ce qui etait jusqu’ Israel une impossible gageure : « tu aimeras ton Eternel de tout ton être, et ton prochain comme toi-même ». ‘Dt 6 + St mathieu)
    C’est aujourd’hui plus qu’une prescription : c’est la seule voie qui soit comblée de Grâce et non de nos rancœurs.

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