Le P. Philippe Wargnies sj compose une méditation poétique pour chaque dimanche du Carême. Ces compositions se déploient dans la récitation à haute voix, pour mieux goûter leur sonorité et leur couleur rythmique. Un écho priant dans ces quarante jours de désert qui nous conduisent jusqu’à Pâques.
Sixième dimanche de Carême – Rameaux
(Mc 11,1-10)
Ce matin, vers Bethphagé
Voisine de Béthanie,
Rien ne laisse présager
La trahison, l’avanie.
Jour serein, ciel dégagé.
Jésus sait le temps venu
D’envoyer deux mandataires
Enrôler un ingénu,
Un comparse sans mystère,
Paisible et pas trop têtu…
« Dans le village d’en face,
Vous trouverez, sans chercher,
Calme, placide, à sa place,
Un petit âne attaché,
Digne de son humble race,
Sur lequel personne encore
Ne s’est permis de s’asseoir.
Il attend qu’un Roi l’honore,
S’en faisant son ostensoir
Parmi la foule sonore.
Si jamais des gens s’inquiètent,
Dites : Nous en prendrons soin !
Il faut bien qu’on nous le prête :
Le Seigneur en a besoin
Pour un cortège de fête.
Il vous reviendra bien vite :
Ce jour même on le rapporte.
De sa tâche il sera quitte,
Sagement à votre porte.
Sachez qu’alors il médite. »
Des disciples, les manteaux
Adoubent le petit âne.
Trottinant sur les rameaux,
Libre du labeur profane,
Léger d’un si pur fardeau.
Et des chants de procession
Les précèdent – Hosanna !
Poursuivis d’acclamations :
Bénis Dieu qui te donna,
Ton humble Prince, ô Sion !
Béni soit Celui qui vient,
Au nom même du Seigneur !
De Dieu, le Règne est le sien !
Hosanna dans les hauteurs
Au fils de David, enfin !
Cinquième dimanche de Carême
(Jn 12,20-33)
Montés dans la Ville Sainte
pour adorer le vrai Dieu,
découvrir l’âme et l’étreinte
religieuse de ces lieux.
Et peut-être, en cette Pâque,
rencontrer enfin Celui
dont les signes, les miracles
alimentent bien des bruits.
« Nous voudrions voir Jésus. »
À quelques jours de la Fête,
intrigués, n’y tenant plus,
des Grecs en font la requête.
Philippe en parle à André.
Ils vont le dire à leur Maître.
Voudra-t-il les rencontrer ?
S’en fera-t-il reconnaître ?
Pourquoi d’abord ses propos
sur la venue de son Heure
ou sa Gloire ? Et puis ses mots
sur le grain de blé qui meurt
pour porter beaucoup de fruit ?
Qu’est donc la Bonne Nouvelle
qu’il dit venir avec Lui
source de vie éternelle ?
Se peut-il qu’aimer sa vie
soit au risque de la perdre ?
Lorsqu’il dit « là où je suis »,
en tient-il sa porte ouverte ?
Et du Ciel vint une voix.
Un Ange ? Un coup de tonnerre ?
Le Fils nous dit : non pour moi
mais pour vous, parle mon Père.
Suivez-moi pour me servir.
Moi-même, dernier, je sers
pour qu’à moi je vous attire,
élevé de cette terre.
Le grain de blé pour mûrir
doit s’endormir dans le noir.
Le Fils de l’Homme, mourir
pour vous conduire à sa Gloire.
Quatrième dimanche de Carême
(Jn 3,14-21)
Pharisien… notable juif…
Incognito, Nicodème,
Tu te faufiles, furtif,
En contre-jour du carême.
Clair-obscur venu de nuit
Te glisser vers Sa Lumière
Pour éprouver près de Lui
L’ombre de ton âme fière,
Tu pressens l’Esprit nouveau.
– Rabbi, nous te savons Maître.
De la part de Dieu. D’en-haut,
Car tes signes font renaître
Au Souffle de l’Éternel.
– Il n’est que le Fils de l’Homme
Qui soit monté jusqu’au Ciel.
Mais le croyant vivra comme
À neuf dès lors qu’élevé
Sous vos yeux, serpent de bronze,
Icône de réprouvé,
Nu, délaissé, loin des onze,
Dieu vous l’aura tout donné.
Lui, l’aimé, le Fils Unique,
Moqué, seul, abandonné,
Souffrant la mort des iniques.
Troisième dimanche de Carême
(Jn 2,13-25)
Son Fils Le connaît trop bien.
Lui seul sait vraiment combien
son Dieu nous est le Tout-Autre
quand bien même il est le nôtre.
Lui, le créateur des cieux,
des colombes et des bœufs.
De son Christ, qui le contemple,
le Corps est l’ultime Temple.
Oui. L’amour de Sa maison :
voilà la sainte raison
d’un esclandre au sanctuaire,
reconduit à la prière.
Car c’est bien là son tourment :
d’en voir le chambardement
dans la fièvre du commerce.
Voilà ce qui le transperce.
Dès que dans la foule on sut
le grand sens dessous dessus,
que les Juifs l’interpellèrent,
qu’un signe ils lui réclamèrent,
il annonça les trois jours
d’un divin compte à rebours.
Les siens se le rappelèrent
avec ses mots de naguère
lorsque, des morts éveillé,
à leurs yeux trop endeuillés
il parut. Alors ils crurent
sa parole. Et l’Écriture.
Deuxième dimanche de Carême
(Mc 9,2-10)
Eux trois, jadis appelés
à tout quitter pour le suivre.
À laisser là, sur la rive,
leurs filets encor mêlés.
Eux seuls, Pierre, Jacques et Jean,
à l’écart sur la montagne.
Cette blancheur qui Le gagne
du visage aux vêtements…
Transfiguré devant eux !
Puis, soudain, Moïse, Élie :
sa présence les relie
en colloque sous leurs yeux.
« Rabbi – cri du cœur de Pierre –,
comme à nous six il est bon
de demeurer sur ce mont :
le Ciel y rejoint la terre !
Laisse-nous dresser trois tentes,
une pour chacun de vous. »
Simon ne voit pas jusqu’où
Sa frayeur glisse à sa pente…
De l’ombre de la nuée
une voix se fait entendre.
Le Père qui seul l’engendre
révèle son Bien-Aimé.
Qui donc saura l’écouter
au lendemain qu’il annonce ?
Le Ciel – il le faut – renonce
à prolonger la clarté
du futur Ressuscité.
Car il faut d’abord qu’il passe
par les crachats sur sa Face.
Pour qu’ils puissent raconter
cette Transfiguration,
la mort doit être vaincue.
La gloire juste entrevue,
le seuil en est la Passion.
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Premier dimanche de Carême
(Mc 1,12-15)
Sobriété du récit.
Dépouillement du désert.
L’écho poétique aussi
Se recueille, peu disert.
L’Esprit seul conduit Jésus.
Paraclet pour le combat.
Et Dieu reprend le dessus
Dans nos luttes d’ici-bas.
Éprouvé, divinement
Parmi les bêtes sauvages,
Jésus vainc celui qui ment :
Satan, fauteur de mirages.
Et les anges le servaient
Car Dieu seul est adorable.
Et le Fils de Dieu savait
Que le jeûne ouvre à la table.
Des pécheurs à convertir
À la venue de son Règne.
Il irait jusqu’à mourir
Sans que son amour s’en plaigne.
Jean l’avait bien précédé,
Proclamant Bonne Nouvelle,
Le cœur ferme et décidé
Face aux doux comme aux rebelles.
Jean n’a plus que la prison
Pour sceller son témoignage.
C’est alors qu’à l’horizon
Jésus paraît et s’engage.
« Oui, les temps sont accomplis,
Le Règne de Dieu s’approche.
Libérez-vous des replis
Auxquels le péché s’accroche.
Cherchez à vous convertir,
Renoncez à l’inutile,
Consentez au repentir
Et croyez à l’Évangile. »
Philippe Wargnies sj
> Illustration de l’artiste Macha Chmakoff
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