Articles de Mgr de Moulins-Beaufort parus dans la Nouvelle Revue Théologique

Formé à l’Institut d’Études Théologiques (la faculté des jésuites à Bruxelles), où il découvrit la pensée du P. Henri de Lubac, et à l’Université de la Grégorienne (l’université pontificale dirigée par les jésuites à Rome), où il présenta son doctorat sur l’anthropologie du cardinal jésuite, Mgr de Moulins-Beaufort est spécialiste de la pensée de Henri de Lubac, spécialement de son ecclésiologie. Il est le nouveau président de la Conférence des évêques de France.


Depuis 2008, il est membre du Conseil éditorial de la Nouvelle revue théologique. Il y rencontre ses anciens professeurs et condisciples, jésuites, chercheurs et chercheuses, belges et français, enseignants et membres de communautés nouvelles ou d’anciens instituts religieux, prêtres et laïcs.

En janvier 2018, la NRT publiait son plaidoyer pour un changement radical dans la gestion de la crise des abus dans l’Eglise.

Dans un article programmatique que la NRT publie dans son numéro d’avril 2019, l’archevêque de Reims propose quelques éléments d’une lecture théologique de ce temps et présente les ressources qui permettent à l’Église de France de prendre le chemin de la mission.

Cet article publié dans le numéro d’avril 2019 de la NRT, intitulé « Sacerdoce apostolique et liberté spirituelle. Face aux défis du temps, quelles ressources pour l’Église en France ? », est en téléchargement libre et gratuit sur le site internet de la NRT.

En voici quelques extraits :

Les temps sont difficiles, la situation de l’Église de France n’est pas fameuse, selon la plupart des indicateurs, et pourtant il nous faut croire que Dieu nous comble de bienfaits et que « sur son passage ruisselle l’abondance » (Ps 64)…

Un philosophe allemand, Hartmunt Rosa, a démonté de manière convaincante le mécanisme de notre emprisonnement dans le temps. Depuis le début du vingtième siècle, beaucoup d’innovations se sont justifiées elles-mêmes en promettant de faire « gagner du temps ». (…) La société d’abondance nous habitue à vivre sans manquer de rien et sans souffrir. On ne peut que s’en réjouir. Mais quelle espérance nourrir encore et pourquoi attendrait-on un Sauveur venu d’en haut ? L’accélération du temps réduit l’individu au rôle de producteur et de consommateur. Quelle place laisser au silence, à l’intériorité, à la réflexion ?…

Le défi spirituel le plus important de nos sociétés occidentales : elles sont des sociétés de liberté, et c’est très bien. Seulement, elles sont des sociétés qui ont renoncé à dire à leurs citoyens ce qui est bien et ce qui est mal et qui promettent en revanche, plus ou moins explicitement, de les préserver de toute frustration et de toute douleur. Chacun est libre de choisir de vivre selon le plus grand bien, mais il doit alors se donner lui-même à tout moment les raisons de ses choix. (…) Nous avons à faire retentir la bonne nouvelle du salut (et donc l’annonce qu’un salut est nécessaire) et de la liberté spirituelle qu’apporte le Christ dans cet univers-là, culturel, social et spirituel…

Tandis que l’Église et le monde semblent ainsi s’éloigner inéluctablement, le père Theobald repère un point de convergence ou de rencontre possible, « dans une “foi élémentaire, attachée à la bonté foncière de la vie”, dont le déploiement est nécessaire à la poursuite de l’existence de chacun, mais dont le surgissement n’est jamais garanti face aux épreuves », et il tâche à partir de là de comprendre la mission de l’Église. Au prix d’un travail considérable d’évaluation et de reprise de l’idée de mission, il en arrive à proposer que la mission devrait surtout se comprendre comme « service de la vie d’autrui », « hospitalité humble », mise à disposition de tous, sans esprit de récupération, des richesses du Christ. Il y a là assurément une piste sérieuse…

Théologiquement, il nous faut accepter que le règne du Christ ne se confonde pas forcément avec le règne de l’Église. Les horribles affaires de mœurs qui humilient en ce moment nos Églises d’Occident nous mettent sous les yeux l’étonnante capacité des hommes à détourner les dons de Dieu et à transformer le pouvoir spirituel reçu du Christ, Serviteur souffrant, Roi humilié « passé parmi nous en faisant du bien aux hommes » en un instrument de domination et de prédation à l’égard de personnes vulnérables…

Une piste me semble être de bien définir le rôle du sacerdoce apostolique comme ayant la responsabilité d’aider chacun à accéder à la liberté spirituelle. Le Christ seul engendre par le don de l’Esprit Saint, au prix de sa mort sur la croix et dans la puissance de sa Résurrection ; mais le sacerdoce apostolique est institué pour approcher du plus grand nombre les moyens de cette liberté…

> Source : « Sacerdoce apostolique et liberté spirituelle. Face aux défis du temps, quelles ressources pour l’Église en France ? », Nouvelle Revue Théologique, 141 (2019), p.228-243

> Photo : BRUNO LEVY/CIRIC via la Conférence des Évêques de France