Quelques éléments pour comprendre la manière dont s’est instituée la Compagnie de Jésus. Ces documents ont été écrits entre le printemps 1539 et le printemps 1541.
Introduction
Il existe quatre documents écrits qui sont liés à la vie interne de l’Ordre naissant :
1. la manière dont s’est instituée la Compagnie
2. l’attestation concernant la décision de faire vœu d’obéissance
3. les déterminations de la Compagnie
4. le vote d’Ignace pour l’élection du préposé général.
Les débats d’Ignace et des compagnons, réunis à Rome en 1539, s’étendent sur « près de trois mois », depuis « le milieu du carême » jusqu’à la « fête de Jean Baptiste », c’est-à-dire de la mi-mars au 24 juin. La désignation des dates dans le texte – du « carême » à « la fête de saint Jean-Baptiste » – souligne la solennité rituelle d’une réunion marquée par la question centrale de l’inscription du groupe (issu du vœu de Montmartre le 15 août 1534), dans l’Église, sous la forme d’un ordre religieux reconnu par l’autorité pontificale.
Deux questions sont en réalité à l’ordre du jour :
– Convient-il que les compagnons restent unis en un seul Corps?
– Et, si oui, convient-il de faire voeu d’obéissance à l’un d’entre eux?
Entre ces deux questions, le lien est défini par la voie missionnaire : c’est parce qu’ils seront dispersés par les missions que l’union en un Corps doit être envisagée, et que cette union doit être scellée dans l’obéissance. Mais l’union du corps reste ici motrice : l’obéissance en est déduite comme son moyen, et, en tant que tel, sérieusement discutée.
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La manière dont s’est instituée la Compagnie
1. Le carême étant prêt de s’achever, alors qu’approchait le moment où il faudrait nous diviser et nous séparer, ce que nous attendions justement de tous nos désirs pour arriver plus rapidement au but que nous nous étions proposés, auquel nous avions longuement réfléchi et que nous désirions ardemment, nous avons décidé de nous réunir pendant tous les jours qui précédaient notre séparation et de discuter entre nous de notre vocation et règle de vie.
Nous avions fait cela à plusieurs reprises. Parmi nous, il y avait des Français, des Espagnols, des Savoyards, des Cantabrais: nous étions partagés en avis et opinions qui divergeaient par rapport à notre statut, et nous avions tous une seule et même pensée et volonté, qui était de rechercher « le bon plaisir et la parfaite volonté de Dieu », selon la visée de notre vocation; mais c’était sur les moyens plus adaptés et plus efficaces, tant pour nous que pour notre prochain, qu’il y avait une certaine pluralité d’avis. Et il ne doit sembler étonnant à personne que cette pluralité d’avis se soit manifestée entre nous, qui sommes faibles et fragiles, alors que les Apôtres eux-mêmes, princes et « colonnes » de la très sainte Église, et tant d’autres hommes très parfaits auxquels nous ne méritons pas d’être comparés, même de loin, ont divergé dans leurs opinions et parfois même se sont opposés, nous laissant par écrit leurs avis contraires.
Nous avions donc, nous aussi, des jugements divergents, et nous étions désireux et soucieux de trouver un chemin pleinement dégagé sur lequel nous avancer pour nous offrir en holocauste à notre Dieu, en sorte que tout ce qui était nôtre s’effaçât devant sa louange, son honneur et sa gloire. Finalement, nous avons décidé et arrêté d’un commun accord de nous appliquer avec plus de ferveur que d’habitude aux prières, aux pénitences, aux méditations, et, après y avoir mis toute la diligence possible, de « jeter» pour le reste toutes « nos pensées dans le Seigneur» ; nous espérions que celui qui est assez bon et libéral pour ne pas refuser le bon esprit à quiconque le prie dans l’humilité et la simplicité du cœur et même pour le donner à tous « avec abondance sans le refuser à personne », ne nous ferait nullement défaut, et même nous assisterait, en raison de sa bonté,« bien au-delà de ce que nous demandons ou concevons ».
2. Nous avons donc commencé à déployer tous nos efforts humains et à proposer entre nous certaines questions qui demandaient examen et prudence de façon attentive et mûrie. Notre manière habituelle était de réfléchir et de méditer sur elles pendant la journée et de les approfondir aussi dans nos prières. Le soir, chacun mettait en commun ce qu’il avait jugé être plus juste et plus adapté, pour que nous embrassions tous ensemble un avis plus solide, qui avait été examiné et approuvé par le suffrage d’un plus grand nombre et grâce à des raisons plus déterminantes.
3. Le premier soir où nous nous sommes réunis, la question suivante a été proposée: convenait-il davantage, après que nous ayons offert et consacré nos personnes et nos vies au Christ notre Seigneur et à son vrai et légitime Vicaire Sur terre pour qu’il dispose de nous et nous envoie là où il jugerait que nous pourrions porter plus de fruit, chez les Turcs, aux Indes, chez les hérétiques, chez n’importe quels autres fidèles ou infidèles, convenait-il donc mieux que nous soyons tellement attachés et liés entre nous en un seul corps qu’aucune séparation physique, si grande soit-elle, ne puisse nous désunir; ou bien est-ce que cela ne convenait pas? Ce qu’un exemple faisait apparaître: voici que bientôt le Souverain Pontife envoie deux d’entre nous à Sienne; devons-nous nous soucier de ceux qui s’y rendent, et eux de nous, et être en communion les uns avec les autres, ou bien devons-nous ne pas nous soucier davantage de ceux-ci que de ceux qui sont en dehors de la Compagnie?
A la fin nous avons tranché par l’affirmative: après que le Seigneur très clément et très miséricordieux ait daigné nous rassembler et nous unir ensemble, nous si faibles et issus de régions et de cultures si différentes, nous ne devions pas briser ce que Dieu a rassemblé et uni, mais plutôt l’affermir et le consolider de plus en plus, en nous groupant en un corps unique, nous souciant les uns des autres et en communion entre nous pour un plus grand fruit des âmes, car des forces qui sont unies ont plus de résistance et d’énergie pour réaliser toute bonne œuvre difficile que si elles étaient dispersées en plusieurs lieux. Cependant, en tout ce qui a été dit et sera dit, nous voulons qu’on comprenne que nous n’affirmons absolument rien de notre propre inspiration ni de notre propre chef, mais cela seul, quoi que ce soit, que Dieu aura inspiré et le Siège Apostolique confirmé et approuvé.
4. Cette première question tranchée et résolue, on en est venu à une autre plus difficile, qui ne demandait pas moins d’examen et de prudence: après avoir tous émis le vœu de chasteté perpétuelle et le vœu de pauvreté entre les mains du Révérendissime Légat de Sa Sainteté, lorsque nous étions à Venise, convenait-il d’en émettre un troisième, celui d’obéissance à l’un d’entre nous, pour que nous puissions, avec plus de pureté, plus grande louange et plus grand mérite, accomplir en tout la volonté de Dieu notre Seigneur, en même temps que la libre volonté et les commandements de Sa Sainteté, à qui nous avions offert de très bon cœur tout ce qui était nôtre : volonté, intelligence, forces, etc. ?
5. Comme, pour résoudre cette question, nous avions passé bien des jours à prier constamment et à réfléchir sans que rien ne vienne satisfaire nos esprits, nous avons commencé, en espérant dans le Seigneur, à débattre entre nous de quelques moyens de mieux résoudre la question.
Et d’abord, convenait-il de nous retirer tous dans un lieu désert et d’y rester trente ou quarante jours en nous adonnant aux méditations, aux jeûnes et aux pénitences, pour que le Seigneur exauce nos désirs et veuille bien faire pénétrer en nos esprits la solution de la question? Ou bien trois ou quatre devaient-ils, au nom de tous, s’y rendre dans le même but? Ou bien, si personne ne devait aller dans un lieu désert, pouvions-nous, restant à Rome, passer la moitié de la journée uniquement à notre affaire, afin qu’il y ait plus facilement et plus largement place à la méditation, à la réflexion et à la prière, et consacrer le reste de la journée à nos ministères habituels de la prédication et des confessions?
6. A la fin, après avoir étudié et examiné ces points, nous avons décidé de rester tous à Rome, avant tout pour deux raisons. Premièrement: éviter racontars et scandale dans la ville et parmi les gens qui jugeraient et penseraient (ce qui est le penchant habituel des hommes à juger à la légère) que nous avions pris la fuite, ou bien que nous machinions quelque nouveauté, ou bien que nous manquions de fermeté et de constance dans ce que nous avons une fois commencé. Deuxièmement: éviter que, pendant notre absence, ne soit mis en danger le fruit que nous voyions se faire alors en abondance dans les confessions, les prédications et les autres ministères spirituels, et même en si grande abondance que, si nous avions été quatre fois plus nombreux que nous étions, nous n’aurions pas pu, comme actuellement non plus, satisfaire aux besoins de tous.
Le second moyen dont nous avons commencé à débattre pour trouver une voie de solution fut de proposer à tous et à chacun de se préparer intérieurement des trois manières suivantes.
– La première: chacun se préparera et s’adonnera aux prières, aux pénitences et aux méditations de telle sorte qu’il s’efforce de trouver « joie et paix dans l’Esprit Saint » sur la question de l’obéissance, en travaillant autant que cela dépend de lui à avoir la volonté plutôt portée à obéir qu’à commander, là où s’ensuivrait une égale gloire de Dieu et une égale louange de sa Majesté.
– La seconde préparation intérieure: aucun des compagnons ne parlera de cette chose à un autre compagnon ni ne lui demandera ses raisons; ainsi nul ne sera, par la conviction d’un autre, entraîné ou incliné à obéir plutôt qu’à ne pas obéir, ou inversement; mais chacun ne recherchera que ce qu’il aura découvert dans la prière et la méditation comme convenant davantage.
– La troisième: chacun se regardera comme s’il était lui-même étranger à notre groupe et n’attendait pas d’y être jamais reçu; ainsi, grâce à cette attitude, il ne sera certainement pas porté par ses sentiments à penser et à juger plutôt d’une manière que d’une autre, mais, comme s’il était étranger, il fera connaître librement son avis sur la question proposée d’obéir ou de ne pas obéir, et enfin il confirmera et approuvera par son jugement le parti qu’il croit devoir être un plus grand service de Dieu et assurer une conservation plus sûre de la Compagnie.
7. Dans ces dispositions intérieures préalables, nous avons fixé l’ordre suivant. Le lendemain, nous viendrions tous prêts à dire chacun toutes les objections possibles contre l’obéissance, toutes les raisons qui se présentaient et que chacun d’entre nous en particulier avait trouvées en réfléchissant, en méditant et en priant.
Chacun exposait à son tour ce qu’il avait découvert. L’un disait, par exemple: il semble que ce mot « religion» ou « obéissance» n’est pas aussi bien reçu qu’il devrait l’être dans le peuple chrétien, par notre faute et en raison de nos péchés. Un autre disait: si nous voulons vivre sous l’obéissance, nous serons peut-être forcés par le Souverain Pontife à vivre sous une autre règle déjà existante et établie; il arrivera alors que, l’occasion et le lieu ne nous étant pas ainsi donnés de travailler au salut des âmes, unique but que nous visons après notre propre salut, tous nos désirs seront déçus qui, à notre jugement, avaient été agréés du Seigneur notre Dieu. Un autre encore: si nous rendons obéissance à quelqu’un, il y aura moins d’hommes à entrer dans notre groupe pour travailler fidèlement à la vigne du Seigneur; on n’y trouve pourtant peu de vrais ouvriers alors que la moisson est si grande, et un grand nombre (ce qui est le fait de la faiblesse et de la fragilité humaines) y recherchent « leur intérêt personnel et leur volonté propre plus que les intérêts de Jésus Christ et la pleine abnégation de soi ». Un quatrième encore, puis un cinquième, etc., s’exprimaient d’une autre manière, énumérant les objections qui se présentaient contre l’obéissance.
Dès le jour suivant, nous discutions dans le sens contraire, en proposant tous les avantages et tous les fruits de l’obéissance, que chacun avait découverts dans la prière et la méditation; et chacun à son tour présentait ce qu’il avait médité, tantôt en menant une supposition jusqu’à l’impossible, tantôt en procédant directement et par voie d’affirmation.
Par exemple, quelqu’un menait une chose jusqu’à l’absurde et l’impossible, de la manière suivante: si notre groupe avait la charge d’une entreprise à réaliser sans la douceur du joug de l’obéissance, personne n’en prendrait vraiment la charge, chacun rejetant ce fardeau sur l’autre, comme nous en avons plusieurs fois fait l’expérience. Et encore: si ce groupe était sans obéissance, il ne pourrait pas durer ni se maintenir pendant longtemps, ce qui va pourtant à l’encontre de notre première intention de conserver pour toujours notre Compagnie; alors que rien ne conserve davantage un groupe que l’obéissance, celle-ci nous semble donc nécessaire, surtout à nous qui avons fait vœu de pauvreté perpétuelle et qui nous adonnons constamment et continuellement à des travaux spirituels et temporels, peu favorables à la conservation d’une Compagnie.
Procédant par voie d’affirmation, un autre disait: l’obéissance est l’origine d’actes et de vertus héroïques, même de manière habituelle. En effet, celui qui vit vraiment sous l’obéissance est pleinement disposé à exécuter tout ce qu’on lui ordonne, qu’il s’agisse de choses très difficiles ou qui provoquent la honte et le ridicule et « nous donnent en spectacle au monde»: par exemple, si on m’imposait d’aller nu ou vêtu d’habits extraordinaires par les rues et les places publiques; bien que cela ne soit jamais commandé, du moment que chacun est tout à fait prêt à le faire, renonçant à son jugement propre et à toute sa volonté, il serait toujours dans des actes héroïques et qui accroissent le mérite. Et encore: rien n’abat autant tout orgueil et arrogance que l’obéissance; car l’orgueil veut avant tout qu’on suive son jugement propre et sa volonté propre, sans céder à personne, « marchant dans de grands desseins et des merveilles qui le dépassent »; par contre l’obéissance combat dans un sens opposé, car elle suit toujours le jugement d’autrui et la volonté d’un autre, elle cède à tous, et elle est associée très étroitement à l’humilité qui est ennemie de l’orgueil. Et encore: bien que nous ayons remis au Pontife et Pasteur suprême toute obéissance, aussi bien du groupe que de chacun, il ne pourra pourtant pas s’occuper de nos affaires personnelles quotidiennes; et s’il le pouvait, cela ne siérait pas.
8. Nous avons donc débattu d’un très grand nombre de points dans un sens et dans l’autre pendant bien des jours concernant la solution de la question, en pesant et examinant les raisons qui avaient plus de poids et d’efficacité, en nous adonnant aux exercices habituels de l’oraison, de la méditation, de la réflexion. A la fin, le Seigneur accordant son secours, nous avons conclu non pas à la majorité des voix, mais sans que personne soit d’un avis contraire: pour nous, il convenait davantage et il était plus nécessaire de rendre obéissance à l’un d’entre nous, pour que nous puissions réaliser mieux et plus exactement nos premiers désirs d’accomplir en toutes choses la volonté divine, ensuite pour que la Compagnie soit conservée plus sûrement, et enfin pour qu’on puisse pourvoir correctement aux affaires particulières qui se présenteraient, tant spirituelles que temporelles.
9. En gardant pareillement la même règle et la même procédure pour l’étude de tout le reste, examinant chaque fois les points de vue opposés, nous sommes restés sur ces questions et sur d’autres pendant près de trois mois, depuis le milieu du carême jusqu’à la fête de Jean-Baptiste inclusivement. Ce jour-là, tout fut terminé et achevé dans la sérénité et l’accord unanime des âmes, non sans qu’il y ait eu beaucoup de veilles, de prières, de peines pour l’esprit et pour le corps, avant que nous en arrivions à cette conclusion et décision.
Attestation concernant la décision de faire vœu d’obéissance
Je soussigné, N., atteste en présence du Dieu tout-puissant, de la bienheureuse Vierge Marie et de toute la cour céleste, après avoir prié Dieu et pesé mûrement la chose, que j’ai décidé de mon plein gré, comme convenant davantage selon mon jugement à la louange de Dieu et au maintien perpétuel de la Compagnie, qu’il y ait en elle le vœu d’obéissance; et que je me suis résolument offert, en dehors cependant de tout vœu et de toute obligation, à entrer dans cette même Compagnie, si le Seigneur accorde qu’elle soit confirmée par le Pape. Pour mémoire de cette décision (dont je reconnais que je la tiens d’un don de Dieu), je m’approche maintenant de la très sainte communion, quoique très indigne, avec cette même décision / Mardi 15 avril 1539.
Déterminations de la Compagnie
Le 3 mai, fête de la Sainte Croix, les points qui suivent ont été conclus par les huit, sans aucun désaccord, et confirmés le lendemain dimanche.
Premier point
1. Quiconque veut entrer dans cette Congrégation ou Compagnie sera tenu de faire vœu exprès d’obéissance au Souverain Pontife en personne. Par ce vœu, il s’offrira à aller en n’importe quelle province ou n’importe quel pays, aussi bien chez les fidèles que chez les infidèles; et cela concerne ceux qui auront les capacités suffisantes pour pouvoir être utiles au prochain vers qui ils seront envoyés. Et ce vœu se fera au Souverain Pontife par les mains du prélat de la Compagnie ou par les mains de la Compagnie tout entière, et non pas auprès du Pontife lui-même, à moins que quelqu’un ne soit d’une condition telle que le prélat de la Compagnie ou la Compagnie ne juge à son sujet qu’il convient qu’il émette ce vœu directement auprès du Souverain Pontife.
Deuxième point
2. Ceux qui auront moins de capacités ne seront reçus que s’ils sont conduits par le même esprit, en sorte qu’ils feront, eux aussi, le vœu d’obéir au Souverain Pontife, qu’ils soient envoyés chez les infidèles, même s’ils ne peuvent rien faire d’autre chez ceux-ci que de dire que le Christ est Sauveur, ou qu’ils soient envoyés chez les fidèles pour enseigner au moins, en public ou en privé, le Notre Père, les commandements de Dieu, etc., selon l’ordre donné par leur prélat ou directement par le Souverain Pontife lui-même.
Troisième point
3. Const. Ils devront enseigner les commandements aux enfants ou à toute autre personne.
Quatrième point
4. Const. On doit prendre un temps déterminé où l’on puisse exposer les commandements et les rudiments dans un ordre défini et selon la manière qui convient.
Cinquième point
5. Const. On doit prendre chaque année quarante jours pour enseigner ces rudiments, en comptant dans ces quarante jours les dimanches et les fêtes qui s’y trouvent, sans qu’il soit cependant nécessaire d’enseigner les commandements ces mêmes dimanches et fêtes. Et de plus, pour ne pas donner place au scrupule, on comprendra le chiffre de quarante de telle sorte que, si deux ou trois jours ou même un peu plus viennent à manquer, cela ne soit pas contre la présente règle.
Sixième point
6. On doit laisser au jugement du prélat de la Compagnie lui-même de décider si quelqu’un, quand il se rend dans un endroit, doit y enseigner les commandements plutôt que prêcher, faire autre chose, ou ne pas le faire.
Septième point
7. Si un membre de cette Congrégation a quelque désir d’aller dans une province plutôt que dans une autre, chez les fidèles ou les infidèles, il ne pourra en aucune manière, directement ou indirectement, par lui-même ou par un autre, recourir au Souverain Pontife pour être envoyé par lui; mais il restera soumis au jugement de la Congrégation ou de son prélat, à qui il manifestera ce qu’il désire ou juge bon, prêt à faire tout ce qu’on lui commandera.
Le samedi avant le quatrième dimanche après Pâques ont été conclus, et confirmés le dimanche suivant, sans aucun désaccord, ces deux points:
[Premier point]
8. On enseignera aux enfants pendant une heure, sans prendre pourtant l’heure scrupuleusement, mais au jugement probable de celui qui enseigne.
Deuxième point
9. Ceux qui sont à admettre doivent, avant d’être éprouvés pendant une année de probation, passer trois mois en exercices spirituels, en pèlerinage et au service des pauvres dans les hôpitaux, ou à autre chose. Cette répartition des trois mois se fera cependant au jugement du prélat de la Congrégation ou de la Compagnie tout entière; par exemple, si deux mois doivent être tout entiers consacrés au pèlerinage, ou tout entiers au service dans les hôpitaux, ou un mois à chacun des ministères, etc. Et de plus quiconque va entrer sera effectivement pauvre avant d’être admis en probation.
10. A ce sujet aussi, tous furent unanimement d’avis qu’il fallait laisser la porte ouverte à propos de ces trois mois: si quelqu’un était un homme si important, par exemple un noble et ayant des parents ou des amis puissants, qu’il y aurait danger pour lui d’aller en pèlerinage ou d’être au service dans les hôpitaux, dans un tel cas, le prélat pourrait le dispenser du pèlerinage ou du service dans les hôpitaux.
11. Ceci aussi fut confirmé sans désaccord: si quelqu’un manifestait au prélat lui-même ou à la Compagnie tout entière un désir personnel d’aller dans les pays des infidèles et que le Souverain Pontife laissait cela à leur jugement, il devrait passer dix jours en exercices spirituels ordonnés à connaître par quel esprit il est conduit, conformément à ces mots: « Éprouvez les esprits, pour voir s’ils viennent de Dieu, etc. » On l’enverra ensuite, si cela semble bon au prélat lui-même ou à la Compagnie.
12. Le vendredi avant la Pentecôte de la même année, il fut conclu et confirmé par tous, à l’exception de Bobadilla, que l’article concernant l’enseignement aux enfants pendant quarante jours, comme cela a été exposé plus haut, et pendant une heure chaque jour, tomberait sous un vœu formel obligeant sous peine de péché mortel, de même que les autres vœux d’obéir au prélat et au Souverain pontife et de ne pas recourir directement à lui lorsqu’on veut être envoyé.
13. En même temps, ii a été déterminé et confirmé que, en traitant toutes ces affaires, de quelque importance qu’elles soient, on s’en tiendrait au jugement de la majorité; cependant, comme on l’a fait jusqu’ici, pour les affaires plus importantes on prendrait trois jours et l’on conclurait le troisième jour selon l’avis du plus grand nombre. Ceux dont les noms suivent ont souscrit à cet avis, estimant qu’il ne serait pas juste que, si quelqu’un en ces débuts avait été en désaccord avec les autres, il ne soit pas admis à prendre part à aucune décision.
Pierre Favre, Claude Jay, Jean Codure, Salmeron, Iñigo, Caceres, Lainez.
La veille de l’octave du Corps du Christ, ont été déterminés, bien que non confirmés, les trois points suivants:
14. Const. Il y aura un prélat unique pour la Compagnie tout entière; il sera élu pour toujours, c’est-à-dire à vie, en tenant compte des exceptions qui seront déterminées ensuite.
15. On recevra, pour y habiter, des maisons ou des églises, de telle manière cependant qu’on n’ait aucun droit de propriété sur elles, mais que ceux qui en ont donné l’usage soient libres, toutes les fois qu’ils le voudront, de les reprendre sans aucune opposition; bien plus, nous n’aurons pas le droit d’assigner devant les tribunaux à leur sujet, de quelque manière qu’elles nous aient été laissées, quiconque les demanderait même tout à fait injustement.
16. Const. Pour recevoir et renvoyer les novices, le prélat sera tenu d’accueillir le jugement de quelques membres de sa Congrégation, par lesquels il lui semblera pouvoir être davantage informé de ce qui convient pour cette admission ou ce renvoi. Ceci fait, il recourra à Dieu et, par lui-même, il déterminera et décidera ce qui lui semblera être davantage pour la louange de Dieu et pour le bien de sa Communauté, jugeant lui-même seul librement si un tel doit être admis ou non, et de même pour le départ d’un autre.
17. Const. Cependant il y a trois cas où le prélat ne devra pas décider ni voter. Premièrement, quand celui qui veut entrer est de sa famille ou de sa parenté. Deuxièmement, quand il est de son pays ou d’un pays si proche qu’on pourrait peut-être soupçonner que le prélat pourrait être influencé à son égard par un attachement dû à la proximité. Troisièmement, quand celui qui veut entrer est le fils spirituel de ce prélat, soit parce que celui-ci lui a donné les exercices spirituels, soit parce qu’il est son confesseur. Dans ces trois cas, le jugement pour admettre ou renvoyer appartiendra à la majorité des autres membres de sa Congrégation et Communauté.
Vote d’Ignace pour l’élection du préposé général
M’excluant moi-même, je donne ma voix en notre Seigneur, pour être prélat, à celui qui aura le plus de voix pour l’être. Je l’ai donnée sans précision, en pensant au bien général. Si pourtant la Compagnie est d’un autre avis, ou si elle juge que c’est meilleur et pour une plus grande gloire de Dieu notre Seigneur, je suis prêt à y souscrire.
Iñigo, Fait à Rome, le 5 avril 1541
> Source : Extrait de Ignace de Loyola – Ecrits – traduits et présentés sous la direction de Maurice Giuliani – Collection Christus n° 76 – Descléee de Brouwer – Bellarmin – Paris 1991 – pages 277 – 287.
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