L’évangile selon saint Matthieu que nous proclamons durant cette nouvelle année liturgique s’achève par le dernier « rendez-vous » de Jésus avec les onze disciples sur la colline : « Quand ceux-ci le virent, ils l’adorèrent : certains d’entre eux, pourtant, eurent des doutes. » Et Jésus leur donne l’ordre de continuer la mission qu’il a reçue du Père : « de toutes les nations, faites des disciples»… Après trois ans de compagnonnage et plusieurs apparitions du Ressuscité, au moment où Jésus quitte ses onze disciples, plusieurs ont des doutes…
Dans l’épisode de ce 3e dimanche de l’Avent, c’est Jean-Baptiste qui, dans sa prison, a également un doute : son cousin Jésus, qu’il connaît pourtant bien, est-il vraiment « celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Nous constatons que le doute peut ainsi se retrouver à toutes les étapes de la vie des disciples les plus fidèles, les plus persévérants. C’est que Jésus ne correspond jamais, malgré toutes nos connaissances, au Messie que l’on s’imagine. On le voit même dans l’histoire de l’Église, où les divisions fleurissent sur des certitudes non partagées dans un dialogue devenu de plus en plus difficile, voire impossible.
Attente & espérance
Mais un doute peut être aussi un chemin vers la vérité et la foi : quand il est reconnu et qu’il met en recherche vers plus de certitude. Ce que fait Jean en envoyant ses disciples au Christ lui-même. Et Jésus accueille la question. La réponse de Jésus n’est pas une argumentation verbale, c’est l’exposé de faits connus et qui ne trompent pas : voilà les signes que lui, Jésus, présente : aveugles, boiteux, lépreux, sourds sont guéris, les morts ressuscitent, les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. « Heureux celui pour qui Jésus n’est pas une occasion de chute.» C’est bien là la réalisation de la prophétie d’Isaïe dans la première lecture de cette messe. Ces signes que nous appelons souvent des « miracles », c’est ce que le prophète Isaïe ose appeler la « vengeance de Dieu », la « revanche de Dieu » qui désarçonne complètement l’homme figé dans ses certitudes, incapable de percevoir les signes de la gloire de Dieu autour de lui et même en lui : ainsi les merveilles de la nature et l’allégresse incomparable, qui s’exprime en cris de joie de la bouche même du muet.
Ce temps de l’Avent nous plonge pleinement en cette période à la fois d’attente et de certitude, d’espérance et de confiance, d’humilité et de dynamisme pour nous préparer à la naissance de Jésus. Autant de condiments qui, de la vie quotidienne, réalisent un chemin de joie et de conversion de notre cœur pour mieux nous préparer à célébrer la naissance inouïe du Fils de Dieu et de Marie…
La joie de la Bonne Nouvelle
Comment donc Jean-Baptiste n’aurait-il pas quelque doute aujourd’hui, se voyant déjà lui-même à la veille d’une mort violente ? Dans les paroles adressées aux foules, Jésus insiste sur le témoignage de pauvreté qu’a donné Jean-Baptiste, le messager, venu préparer le chemin devant lui. Avec une perspective de salut et une ambiance de grande joie, ce dimanche est appelé précisément le dimanche de la joie : « Gaudete » « Réjouissez-vous ! » Les textes nous invitent à une humble et joyeuse confiance, car le Christ nous montre que la merveille du salut est en train de s’opérer en celui qui accueille avec modestie le Royaume de Dieu : c’est la Bonne Nouvelle que Jésus nous apporte, lui, le « Sauveur ». Ce qui suppose de notre part une attitude de pauvres, à l’opposé de celle du riche qui se croit auteur et propriétaire de tous ses biens, de toutes ses qualités, de toutes ses réussites, bref, auteur et propriétaire de ses propres mérites : ce qui, devant le Christ pauvre et source de tout bien, est la pire des choses !…
En ce temps de l’Avent, à l’exemple de Marie, apprenons à désirer la venue de Celui qui vient nous sauver, apprenons à préparer dans la joie cette venue, apprenons que nous ne sommes pas les maîtres de notre existence, apprenons à tout recevoir de Dieu : notre existence, nos qualités, nos réussites, ainsi que tous nos biens et toutes nos affections.
Appelés à l’Amour
Aller dans cette direction, c’est imiter le Christ lui-même qui reçoit tout du Père, y compris son Esprit. Il s’agit d’une imitation par amour, selon cette jolie formule du Bienheureux Charles de Foucauld, prêtre de Viviers en Ardèche, mort à Tamanrasset, que nous fêtions il y a quelques jours : « Je ne conçois pas l’amour sans un désir de conformité avec l’être aimé. »
Jésus ne cesse de nous poser la question comme à Pierre : « M’aimes-tu ? » Laisser résonner cette question peut nous aider à bien vivre ce temps de l’Avent, dans la foi et dans la joie. Amen.
P. Pierre Iratzoquy sj,
Recteur de La Louvesc
À propos du P. Pierre Iratzoquy sj
Le P. Pierre Iratzoquy sj est membre de la communauté Saint-Étienne – Lalouvesc. Il est recteur du pèlerinage et prêtre auxiliaire de la paroisse Saint-François Régis.