Né en 1937 à Asfeld, dans les Ardennes, François YVERNEAU gardera un souvenir vivace des traces de la guerre. Il est l’aîné d’une fratrie de neuf, dans une famille d’agriculteurs imprégnée d’une foi solide et d’une préoccupation sociale (son père recevait les CARS). Après l’école du village, il entre à Cormontreuil, où grandit sa vocation, puis entre au noviciat de Saint-Martin d’Ablois en 1957. Sa formation est interrompue par le service militaire – en Algérie et en Allemagne – à l’issue duquel il opte pour la vocation de frère jésuite : il doit alors faire une troisième année de noviciat à Aix, puis un juvénat en Espagne (à Lerrida), dont il regrettera toujours le côté un peu suranné : il souhaitera, plus tard, rattraper sa formation et suivra, les vingt dernières années de sa vie, un ou deux cours chaque année au Centre Sèvres !
Après le juvénat, il est nommé à Longueau, une banlieue cheminote d’Amiens. La paroisse lui confie l’animation des jeunes (catéchisme, JOC…). Quand l’équipe jésuite devient « Associée à la Mission de France », il choisit d’entrer lui-même au travail, dans une entreprise de transport. Il accompagne toujours des jocistes et des membres de l’ACO, en particulier des Cap-Verdiens et se met, avec persévérance, à apprendre le portugais.
Préoccupé par les conditions de travail dans l’entreprise, il anime une section syndicale CFDT, non sans conflits avec son patron, mais protégé par l’inspecteur du travail. En 1991, la Confédération lui propose de devenir permanent national. Il rejoint alors la communauté de Cergy en cours de création. Ses années de permanent coïncideront avec une période de remous pour aboutir à une vraie restructuration du transport routier. Il est sur le front des grèves, qui paralysent le pays, mais surtout très mobilisé pour faire aboutir la négociation avec les Fédérations d’employeurs et avec le gouvernement : il y passera des nuits… Par la suite, il montera discuter à Bruxelles avec les syndicats européens pour permettre d’élaborer des règles communes sur les conditions de travail. C’est pour pouvoir être plus à l’aise en anglais qu’il crée à la Maison de Quartier de Cergy une association « English Club » d’échanges et de formation : elle comptera plus d’une centaine de participants quand il la quittera.
A Cergy, il lance aussi une amicale de locataires dans l’ilôt HLM où réside la communauté : véritable pivot d’animations. Il organise quelques camps à Pied-Barret pour des jeunes. Et lorsqu’il prend sa retraite en 2001, il s’investit à plein temps sur la ville, avec la même ténacité et le souci des plus pauvres. Au Secours Catholique, il consolide un vrai service du logement, il est au Conseil de l’association « Clef de Sol », à l’Inter-Association pour le logement, aux rencontres des travailleurs sociaux. Il reste surtout fidèle aux Cap-Verdiens, soutenant le développement de « Cesaria » – un lieu de solidarité et de prière pour les Cap-Verdiens, qui rayonnera en Ile de France (il la retrouvera à Saint Denis). Il ira d’ailleurs lui-même plusieurs fois à Cap-Vert et y amènera des jeunes nés en France.
L’arrachement à Cergy sera, on l’imagine, douloureux : il y restera un an après la fermeture de la communauté. Arrivé à la Plaine Saint-Denis, il reprendra le collier de l’engagement social comme écrivain public, suivant en particulier les dossiers de demandes de logement. Il n’était jamais plus heureux que lorsqu’il annonçait avoir fait condamner le Préfet pour non-respect de la loi DALO !
Mais il s’y fatiguait beaucoup et dû se résoudre à rejoindre l’EPHAD, où il a décliné très vite et cessé le combat ! Il avait reçu la reconnaissance pour tous ses combats : médaille de la Ville de Cergy, médaille du Mérite remise en présence des représentants patronaux et syndicaux, citoyenneté d’honneur du Cap-Vert… Mais il s’élançait surtout pour recevoir celle du Royaume !
Bertrand CASSAIGNE sj