Joseph Gelineau sj (1920-2008) Pionnier du chant liturgique français

Le P. Joseph Gelineau sj a consacré sa vie au chant liturgique, notamment en composant de nombreux cantiques. Né en 1920, il aurait eu 100 ans le 31 octobre. L’occasion de lui rendre hommage.

Ses psaumes chantés en français ont participé dans l’aire francophone à la réception de la réforme liturgique du Concile Vatican II. Il a étudié la théologie au grand séminaire de Lyon Fourvière, puis l’écriture musicale et l’orgue à l’École César-Franck de Paris. Il fut conseiller liturgique lors du concile Vatican II. Diplômé en théologie au travers de son Traité de Psalmodie de l’Église syrienne des IVe et Ve siècles, il était, en outre, fortement inspiré par la tradition des chants grégoriens.

Homélie pour la messe en mémoire de Joseph Gelineau à l’église Saint-Ignace à Paris le 14 octobre 2008

Le psaume 22, un des premiers mis en musique par Joseph. Le psaume le plus aimé de l’Eglise, qui est aussi le plus utilisé par la liturgie catholique. Avec en filigrane l’eau du baptême, la table et la coupe de l’eucharistie. Le psaume du contentement, de la confiance la plus simple qui soit : « Tu es avec moi ». Aussi je peux traverser sans crainte les ravins de la mort. Joseph disait parfois avec le psalmiste : « pour moi, je suis content de Dieu (Ps 103) ». Alors Vive Dieu ! Il a mis en notre bouche un chant nouveau, le chant du Fils ressuscité, notre berger, qui accueille Joseph près de lui pour demeurer sans fin dans son amour.

Pierre Faure sj

« La dimension invisible du texte »

Joseph Gélineau et Léo Scherer, alors supérieur de sa communauté, à Vallorcine le 31 octobre 2005.

Pour toute une génération, le nom du jésuite Gelineau est associé à la découverte des psaumes. La parution, en 1953, de son premier microsillon consacré à des psaumes et des cantiques marqua en effet un tournant dans le chant liturgique francophone.

Pour la première fois, on découvrait des textes jusque-là entendus exclusivement en latin. Pour cet enregistrement, le jeune jésuite avait travaillé à partir du psautier de la Bible de Jérusalem, traduit notamment par Raymond Schwab.

Sur le plan musical, fortement inspiré par la tradition du grégorien, il avait cherché, disait-il, à « faire sortir la dimension invisible du texte », pour « faire dire aux mots ce qu’ils ne disent pas », et permettre que « l’assemblée chante », et finalement opté pour le mode en si, méditatif. Le disque, qui reçut le prix de l’Académie Charles-Cros, fut emporté sur les cinq continents par les missionnaires…

Les plus beaux chants de Taizé

Il est aussi le compositeur de plusieurs chants de Taizé, dont le célèbre « Ubi Caritas ».

« En 1948, alors que nos premiers frères n’étaient que six, Frère Roger lui demandait déjà la composition d’un premier chant », rappelle Frère Alois, l’actuel prieur de Taizé.« Ces quinze dernières années, Joseph Gelineau a encore écrit pour nous quelques-uns des plus beaux Chants de Taizé et un remarquable ensemble des chants de l’eucharistie (cf. ci-dessous). Avec une extrême sensibilité, il a toujours compris ce qui convenait à la prière de notre communauté. »

Kyrie composé par Joseph Gelineau pour Taizé

> Vidéo de la messe composée par Joseph Gelineau pour Taizé chantée lors de la rencontre de Taizé à Zagreb fin 2006

 

Génération Vatican II

« J’avais été envoyé à Paris par mon supérieur provincial pour étudier la composition musicale quand je suis monté, la première fois, au huitième étage de Latour-Maubourg voir ce qui se passait au Centre de pastorale liturgique, chez les dominicains. Le Centre avait été créé à leur initiative par les Pères Pie Duployé, A.M. Roguet et A.-G. Martimort. Là on m’a dit : Vous tombez bien, nous cherchons quelqu’un pour s’occuper de la musique. » Le jeune jésuite, Joseph Gelineau, vouera sa vie au chant sacré, jusqu’en 2001 où il livre la somme de son expérience en publiant Les chants de la messe dans leur environnement rituel (Le Cerf). Son premier article sur la musique liturgique en France avait paru en 1947 dans La Maison-Dieu, toujours publiée au Cerf et dont la collection est un véritable trésor où se retrouvent tous les éléments d’une histoire contemporaine de la liturgie.

Avec ses Psaumes chantés en français, qui se sont répandus comme une traînée de poudre, le P. Gelineau a remporté le prix de l’Académie Charles Cros 1953. « On les chantait, rappelle-t-il, avant et après les messes basses (lues), car on ne pouvait pas chanter en français aux messes chantées où seul le latin était autorisé. Il y avait un énorme besoin de participation ; les maîtres mots de l’époque étaient : comprendre et participer. » 

Un documentaire « Portrait de Joseph Gelineau : Joie et lumière « 

Joseph Gelineau est « l’homme des psaumes ». Dans les années 50, il les fit découvrir en français aux chrétiens qui ne les chantaient qu’en latin. Sa passion pour la musique liturgique dure depuis l’enfance. Le documentaire peut être commandé à la Procure.

Un livre hommage

Le P. Gelineau n’est pas seulement « l’homme des psaumes ». Philippe Robert, en musicologue et liturge averti, montre son rôle important, et souvent capital, avant et après le Concile Vatican II, dans la redécouverte – qui, en français, est souvent une création – de beaucoup d’autres formes du chant liturgique : l’hymne, le tropaire, les chants de la messe, le récitatif, etc. :

« Le P. Gelineau est un bon connaisseur de la tradition liturgique, occidentale et orientale : sa thèse de doctorat en théologie en fait foi ; il a pratiqué dès sa jeunesse le chant grégorien qui n’a cessé de l’inspirer ; il a reçu une solide formation musicale à la Schola Cantorum. Mais il est aussi un pasteur soucieux de rendre possible aux chrétiens – dont la plupart ignorent le latin – une participation active et fructueuse à la liturgie par cet élément fondamental de la célébration qu’est le chant. Jésuite, il se préoccupe de transmettre la foi à ses contemporains ; liturgiste, il sait qu’un des lieux privilégies de cette transmission est la célébration des mystères de la foi. Trop souvent, son oeuvre a été méprisée par ceux qui se croyaient les seuls détenteurs de la musique sacrée. Mais évitant la polémique, le P. Gelineau poursuit depuis soixante ans son travail de pionnier au service du chant liturgique, dans un « enchantement » suscité par une capacité d’émerveillement que les années n’ont pas entamée. »