Les semaines se suivent et se ressemblent ! Et pourtant celle qui s’ouvre ce dimanche est pour les chrétiens une semaine particulière, à vivre différemment, intensément.
La semaine sainte est cette grande semaine qui commence le dimanche des Rameaux pour atteindre son sommet lors de la veillée pascale. Une semaine pour accompagner le Christ dans son entrée à Jérusalem, au cours de son dernier repas, dans sa montée au Golgotha, dans l’attente de sa résurrection.
« La Semaine sainte est un temps de grâce que le Seigneur nous donne pour ouvrir les portes de notre cœur, de notre vie, de nos paroisses – quel dommage, toutes ces paroisses fermées ! -, des mouvements, des associations, et pour sortir à la rencontre des autres, nous faire proches pour apporter la lumière et la joie de notre foi. »
Célébrer ce temps central de notre vie chrétienne ne peut pas se réduire à des manifestations liturgiques, même si celles-là sont importantes, belles et bien organisées. Célébrer ce temps, c’est se risquer à laisser notre vie être évangélisée, justement aussi par les célébrations, pour, au final, découvrir que c’est notre vie qui peut être la Bonne Nouvelle (l’Évangile) de notre Créateur aux hommes de ce temps.
Le dimanche des Rameaux, porche d’entrée dans la Semaine sainte, commémore deux événements contrastés : l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem (avec la bénédiction des Rameaux) ; sa passion et sa mort sur la croix (avec la lecture de la Passion). Ainsi sont associés le triomphe et la souffrance, qui disent déjà le Christ mort et ressuscité.
La messe chrismale, célébrée le Jeudi saint au matin, mais aussi, souvent, anticipée par commodité, dans les jours précédents, comme, à Marseille, le Lundi saint. Elle réunit, dans chaque diocèse, autour de l’évêque, les prêtres, les diacres et les fidèles. Son nom vient de ce qu’au cours de la célébration, le Saint Chrême est consacré. Cette huile est utilisée pour les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’ordre : une onction symbolise l’imprégnation de l’Esprit pour ceux qui les reçoivent. Il est dit de Jésus, dans l’évangile de Luc (4, 18), accomplissant une prophétie d’Isaïe (61, 1) : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a conféré l’onction. » Il est ainsi désigné comme « Christ » (Oint). Ceux qui sont marqués avec le Saint Chrême deviennent « des autres christs ». Dès lors, toute leur vie est orientée par un désir de conformation au Christ, c’est-à-dire à y écrire le message qu’il est à travers tout ce que nous sommes.
Durant cette célébration, deux autres huiles sont bénites : l’huile des catéchumènes qui servira lors des célébrations préparatoires au baptême pour les adultes et pour les enfants déjà grands, et l’huile des malades qu’on utilisera pour le sacrement des malades. Au cours de cette célébration, qui manifeste l’unité de l’Église diocésaine autour de son évêque, les prêtres sont invités à renouveler leurs promesses sacerdotales.
Le Jeudi saint,nous invitera à découvrir notre vie comme offrande (l’eucharistie) et comme service (le lavement des pieds), à la manière même dont Jésus, Dieu fait homme, Parole faite notre chair, les vit dans son humanité. Dans la Cène, il propose de relire tout son agir, toute sa présence, tout son être, comme la présence de Dieu épousant notre humanité, comme lieux de révélation de la miséricorde, de la liberté, de la justice voulues par le Père pour chacun de ses enfants. Il fait monter l’action de grâce vers le Père, parce qu’il est venu jusque dans notre humanité à travers lui. De sorte que cela ne soit pas que mots et idéaux, il pose un geste, le lavement des pieds, en confiant à chacun de le poursuivre : « C’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi » [Jean 13, 15]. C’est dans notre manière de nous tenir avec lui dans le service que les hommes pourront le découvrir proche.
Le Vendredi saint, nous ferons mémoire de cet accompagnement de Dieu en Christ, même là où nous ne pensions pas le trouver. Il est avec nous, même dans nos fragilités, dans nos peurs, dans nos blessures, dans toutes nos morts ! Il est venu emprunter le chemin de notre « humanitude » parce que rien de ce qui participe de notre existence ne lui est indifférent et ainsi, par sa présence même là, tout peut trouver un sens et devenir un chemin de vie. Par sa présence, même là, il nous atteste que notre vie n’est pas une impasse, mais que notre nuit est tendue vers la lumière de son jour. Comment ne pas annoncer cette nouvelle ? Là aussi, c’est notre manière de vivre qui témoignera de celui qui nous veut avec lui et qui, pour cela, veut être avec nous…
Le dimanche de Pâques, la pierre roulée affirmera que la vie est plus forte que la mort (que nos morts), que la Parole n’est pas murée dans le silence, que l’espérance traverse nos existences pour ouvrir tout ce qui pourrait nous enfermer, pour briser toutes nos chaînes, pour fortifier tout ce qui a besoin de l’être. Pâques fête la résurrection du Christ mais aussi, en Christ, notre propre résurrection, qui n’est pas à attendre pour demain, mais est à prendre à deux mains pour la faire rayonner dans notre monde : « Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde. Que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux » [Matthieu 5, 13. 14. 16] [il n’est pas dit : « Vous serez… si », mais « Vous êtes »]. La résurrection du Christ est un appel à la vie, notre vie peut être la réponse. Vivre dans la résurrection du Christ, c’est, à travers tout ce que nous sommes, faire resurgir la vie pour l’offrir à tous comme Bonne Nouvelle qui peut donner du sens à leur propre vie.
P. Jean-Luc Ragonneau sj
> Source : Diocèse de Marseille
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