Cette méditation du P. Vincent Klein sj invite à entrer en Carême et propose de vivre cette « traversée au désert », cette solitude, comme un moment de grâce, en attendant la Résurrection.
Le long hiver céderait-il enfin ?
Quelques oiseaux lancent timidement leurs chants.
Seul le silence les reçoit, seule la forêt les accueille.
Quelques crocus mauves et orangés s’ouvrent et se pavanent,
Riant sous la caresse d’un fébrile rayon de soleil.
Mais le vent froid me ramène sur le chemin.
Je vois l’étendue encore vierge et la rude nudité des arbres.
L’hiver m’appelle une dernière fois pour m’instruire,
Comme le médecin congédie le patient après l’opération,
Comme le gardien encourage le prisonnier à sa libération.
N’en déplaise aux insouciants, aucun disciple n’en sort indemne.
Et quand l’hiver dure, la solitude devient une compagne fidèle.
Mais là, au plus secret de la terre, mystérieusement,
Corps, âme et esprit s’unifient sous son labour,
Dans la lente réconciliation de la vie que seule féconde la patience.
La solitude naît de l’épreuve, comme le Christ du désert.
Chemin de carême, elle taille dans le vif, elle émonde.
Mais dans la nudité qui la révèle jaillit une source de joie profonde.
Elle ouvre à un élan de communion avec le monde
Et se fait cri de la terre aride quand craquelle sa soif de justice.
Fragile comme le printemps qui s’annonce,
La vie traverse nos brisures et promet un renouveau.
Au creuset de la contemplation germe le sourire complice
Et la solitude engendre l’authentique rencontre.
Là s’unifie l’humanité véritable dont plus personne n’est exclu.
Désormais, pour remonter à la source,
Je suivrai les crocus et le chant des oiseaux.
P. Vincent Klein sj,
à Koblenz-Arenberg,
février 2020