Jésuite belge, Thierry Linard dirige l’Institut brésilien de Développement et le Centre culturel de Brasilia. Il explique au journal Dimanche en quoi le synode entend répondre aux défis auxquels l’Église et la société brésiliennes sont confrontées.
Un entretien réalisé par Vincent Delcorps pour l’hebdomadaire Dimanche.
Dans quelle mesure l’Église brésilienne a-t-elle été impliquée dans les préparatifs du synode?
Le pape François a annoncé la convocation du synode en octobre 2017. Mais en réalité, cette décision s’inscrit dans l’histoire de l’Église brésilienne. Déjà en 1979, celle-ci lançait une « campagne de fraternité » qui mettait en relief la dimension sociale de la question écologique. En 2003, la Conférence nationale des évêques du Brésil a créé une Commission épiscopale pour l’Amazonie en vue d’affermir le « visage amazonien » de l’Église et de faire connaître les peuples de cette région.
L’objectif était alors de montrer comment le modèle économique de développement en vigueur agressait les cultures et les valeurs de ces peuples. Enfin, en septembre 2013, La Semaine Sociale Brésilienne adressait une lettre au pape. Elle lui suggérait de convoquer un événement international sur la (sur)vie de la planète. L’Église brésilienne se préoccupe donc depuis longtemps de l’Amazonie.
Le synode mobilise-t-il les Brésiliens au-delà des milieux chrétiens?
Dans l’encyclique Laudato si’, le pape invite à écouter les communautés indigènes d’Amazonie. C’est pourquoi fut constitué le réseau ecclésial panamazonique. Il s’agit d’un organe d’écoute, de dialogue et d’action commune en vue d’une mobilisation des Églises d’Amazonie, mais aussi de toute l’Église et de la société. La création de comités locaux et nationaux et la réalisation de nombreux séminaires, qui ont réuni plusieurs milliers de personnes, ont été des opportunités pour toucher non seulement les communautés chrétiennes, mais aussi l’ensemble des habitants.
On sait que le gouvernement brésilien n’est pas resté indifférent à la convocation du synode…
En effet. Il a manifesté son inquiétude et a décidé de surveiller la préparation de la rencontre. Il a même exigé de pouvoir y participer! Le ministre de la Sécurité nationale considère en effet le synode comme une menace à la souveraineté du Brésil.
Pourquoi?
Il accuse l’Église d’influencer les populations locales, et surtout les peuples indigènes qui lutteraient pour davantage d’autonomie sur leurs territoires. En réalité, en favorisant la vente de terres à des entreprises étrangères, c’est le gouvernement qui menace la souveraineté du Brésil! Une chose positive tout de même: cette préoccupation gouvernementale a permis au synode de gagner en visibilité.
Le synode s’inscrit dans la réalité particulière de l’Eglise brésilienne…
Exact. Il doit être une sorte de « laboratoire ecclésial ». L’objectif est de répondre au défi de la privation de la célébration eucharistique dans les communautés périphériques des villes et dans les petites communautés agricoles de la forêt et des rivières. Une privation liée au manque de prêtres…
De ce point de vue, les conclusions du synode sont appelées à toucher bien au-delà de l’Amazonie…
Les réflexions du synode entendent en effet dépasser le cadre amazonien. Elles devraient être pertinentes pour l’Église universelle et pour l’avenir de la planète. Le synode s’annonce comme un moment-clé – un kairos – pour les peuples et les Églises de l’Amazonie continentale, en tant qu’il met en valeur les processus sociaux et ecclésiaux qui produiront des fruits dans le temps post-synodal. Le synode nous aide à comprendre que nous vivons un changement d’époque tant au niveau ecclésial qu’au niveau sociétal. Tous, nous devons nous préparer à la fin définitive de la (néo)chrétienté. Nous sommes appelés à promouvoir une vie plus évangélique et à construire de petites communautés ecclésiales dégagées de lourdes structures, qui se mettent au service de ce monde qui en a tant besoin.
Le synode concerne donc l’ensemble de la société…
Il va proposer des nouveaux chemins pour l’Église et pour une écologie intégrale. Il nous invite à revoir les paragdimes de notre système capitaliste, qui, prétendant être un processus cumulatif ad infinitum, nous mène à la destruction de la maison commune.
En savoir +
> Portrait du P. Thierry Linard de Guertechin sj, missionnaire au Brésil
> Sur le journal Dimanche