L’assassinat de Samuel Paty s’inscrit dans une série d’attentats qui ont visé des journalistes, des Juifs, un prêtre, des policiers, de simples passants dans la rue, des jeunes qui font la fête, et maintenant un professeur qui tentait d’enseigner la liberté d’expression. S’il y a une cohérence derrière ces actes, c’est la volonté de diviser la société, un objectif qui, heureusement, n’est pas encore atteint.
Le symbole est fort. C’est l’école qui est visée. L’école est le lieu où les enfants expérimentent le vivre-ensemble à partir de leurs différences. Il y a un lien étroit entre école et laïcité, celle-ci devant précisément assurer une vie commune au sein d’une même société parcourue par des courants divers et parfois opposés. Repenser l’école dans cette perspective est un enjeu urgent, à l’heure où la société se fragmente en tribus qui s’ignorent.
La composante religieuse reste présente dans notre société, en dépit d’un processus de sécularisation qu’il faudrait d’ailleurs regarder de plus près. La croissance de la population musulmane contribue à cette présence, ainsi que l’idée qu’un matérialisme pratique (gagner de l’argent, profiter de la vie) n’est pas à la hauteur d’une vie humaine à laquelle on veut donner du sens. Nous avons besoin de « mythes », de récits mobilisateurs, et pas seulement de l’invocation d’abstraites « valeurs républicaines ». Si l’on veut bâtir une société plus fraternelle, on ne peut pas ignorer la dimension religieuse de l’existence.
La laïcité ne peut se contenter de respecter les convictions des uns et des autres, dans une vague tolérance qui peut se contenter d’une ignorance mutuelle. La construction du vivre-ensemble passe par la confrontation de convictions qui doivent accepter d’entrer en débat. Aucune conviction n’est sacrée. Seule les personnes le sont. C’est pourquoi, comme l’écrit Adrien Candiard :
« Considérer qu’il existe quelque chose de plus sacré qu’une vie humaine relève du fanatisme ».
La laïcité française n’est pas toujours à l’aise avec la religion, comme en témoignent les péripéties de l’enseignement du fait religieux. De leur côté, les communautés religieuses doivent accepter d’entrer dans le débat public, en reconnaissant que leurs doctrines peuvent être argumentées et discutées. Cette démarche ne sera pas évidente pour tous les croyants, en particulier pour des musulmans peu portés à ce genre de débat, surtout s’ils se sentent marginalisés. Mais, un chrétien devrait se rappeler (et rappeler à ses amis laïques) que sa foi n’a rien à craindre de la raison.
François Euvé, Directeur de la Revue Etudes