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Qu’un roi fasse une entrée triomphale sur un âne est un peu étonnant… Pourquoi Jésus choisit-il cet animal ? Le P. Patrice de La Salle sj partage sa méditation pour le dimanche des Rameaux
Lorsque Jésus, assis sur un âne, descend du Mont des Oliviers pour entrer dans Jérusalem, pense-t-il à la toute première fois où il avait été porté par un tel animal ? C’était il y a bien longtemps. Il n’était alors même pas visible aux yeux de chair, seulement connu au plus intime par celle accueillant le projet fou de Dieu de devenir l’un de nous : Marie sa mère, espérant une heureuse délivrance malgré la cupidité impériale qui la jetait, juchée sur un âne, en des chemins de péril. Ça n’est pas dans l’Ecriture ? Saint Ignace de Loyola l’imagine sans peine, invitant à contempler « Notre-Dame enceinte de neuf mois, assise sur une ânesse comme on peut pieusement le méditer… ». Une arrivée divine sur une bête de somme, offerte au cœur qui discerne – sous sa rugosité – l’invisible en son mystère de paix. C’est encore ce quadrupède qui, selon une traduction picturale assumée, le conduira vers l’Egypte, fuyant la violence du pouvoir qui tourne en folie meurtrière ; puis le ramènera quelques années plus tard vers Nazareth.
Et voilà que l’itinéraire touche à sa fin. Mais là encore, parmi cette foule bruyante, qui reconnait vraiment l’hôte de l’âne ? Jésus est acclamé, tel un nouveau Salomon traçant des voies de Sagesse divine inédite. Sous les semblants de reprise textuelle vétéro-testamentaire, l’Ecriture n’est cependant pas encore accomplie. Le Seigneur doit aller jusqu’au bout de la route du dessein de Dieu. Traversant ensuite les vengeances des chefs jaloux et les avanies des foules inconséquentes, Jésus marche droit, dans l’union intime au Père, vers le Bois aux quatre membres qui le portera vers la consécration du Salut. Non sans avoir d’abord posé clairement, devant les disciples incertains mais pour la multitude, son offrande totale et sans retour : ceci est mon corps livré, prenez, mangez – ceci est mon sang versé, prenez, buvez.
Il y a quelques années, le cardinal Etchegaray publiait un livre intitulé J’avance comme un âne. Il explicitait : « J’avance comme l’âne de Jérusalem dont le Messie, un jour des Rameaux, fit une monture royale et pacifique. Je ne sais pas grand-chose mais je sais que je porte le Christ sur mon dos, et j’en suis plus fier que d’être basque. Je le porte, mais c’est lui qui me mène ». Arrivant vers ce porche d’entrée dans la Semaine Sainte qu’est cette fête des Rameaux, que chacun puisse éprouver intensément ce cœur de Dieu, désirant de tout son Fils Jésus nous conduire sur la route du renouveau pascal. Route de confiance et d’unité avec tous les croyants, de paix et de joie pour l’humanité. Le même auteur écrivant encore : « Quand je veux chanter ses louanges, je fais un boucan de tous les diables, je chante faux. Lui alors, il rit de bon cœur, d’un rire qui transforme les ornières en piste de danse et mes sabots en sandales de vent ».
Écoutons : « N’imite pas les mules et les chevaux qui ne comprennent pas, qu’il faut mater par la bride et le mors. Et rien ne t’arrivera » (Ps 31, 9). Laissons-nous conduire par l’ânier de Dieu jusqu’aux frais herbages du matin de Pâques.
P. Patrice de La Salle sj,
Supérieur de la communauté jésuite de l’île Maurice
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