Le P. Jacques Loiselet est né le 11 novembre 1924. Il a suivi ses études primaires et secondaires à Lesneven dans le Finistère, puis il est entré au noviciat de la Compagnie de Jésus le 6 octobre 1941 à Laval. Après le juvénat et la philosophie, il a entrepris des études de médecine à Lyon de 1947 à 1953. Ensuite, de 1953 à 1957, il a fait ses études de théologie à Fourvière et il est ordonné prêtre le 31 juillet 1956 à Lyon. En 1963, il a obtenu un doctorat en chimie biologique.
Il était destiné à rejoindre les jésuites qui travaillent en Chine et c’est pour cela qu’il a appris le chinois, mais les événements politiques n’ont pas permis que ce projet se réalise. Alors, il est envoyé au Liban en 1958, où il a enseigné pendant plus de 50 ans la biochimie à la Faculté de médecine de l’USJ et a fondé le Laboratoire de génétique dans lequel il a longtemps travaillé. Il est décédé dans son sommeil le 6 septembre, à la Résidence des jésuites à Beyrouth.
Témoignage d’une ancienne étudiante du P. Jacques Loiselet
De l’oiselet, il n’avait que la démarche sautillante, aussitôt qu’il se retrouvait devant un tableau, une craie à la main. Son regard était celui d’un rapace, à l’affût, vif, perçant et mobile… avec cette lueur au fond qui s’allumait pour s’émerveiller encore de la curiosité du monde… Et une couleur… Un matin, il avait dû boire du regard le bleu de l’Atlantique quand il épouse la Manche et il avait dû clore ses paupières pour y fixer pour toujours la nuance avant de tourner le dos à jamais à sa Bretagne…
Pour des centaines d’étudiants, il a été la douche froide qui les a sortis de leurs torpeurs adolescentes. Lancés à 17 ans, avec pour toutes munitions quelques innocentes notions de chimie, nous nous retrouvâmes au front, face à lui, qui maniait avec dextérité des molécules tentaculaires qui n’en finissaient pas de se ramifier et de s’enrouler, au point de nous asphyxier parfois au bout de nos nuits blanches. Beaucoup plus tard, quand j’ai pu l’appréhender loin de l’angoisse du jugement, il m’est arrivé de me demander ce qui avait poussé le jeune homme d’alors à tout abandonner pour s’installer ici, et partager nos années d’enfer sans faillir, ni ciller.
Si, la semaine, il s’évertuait à faire de ses élèves des hommes et des femmes pour demain, le week-end, il chaussait ses souliers et arpentait son pays d’adoption du nord au sud, mais aussi en profondeur, participant avec ses amis du spéléoclub à la découverte des merveilles sous-terraines d’un pays qui s’autodétruisait en surface. Cette curiosité infinie, ce questionnement sans fin du pourquoi et du comment, l’ont guidé toute sa vie. Il avait ainsi embrassé les grandes découvertes du siècle passé, l’ADN de Watson et Crick, et le système immunitaire et sa merveilleuse complexité avec tous les questionnements vertigineux qui ont dû se poser à l’homme de foi qu’il était. Car oui, cet homme qui jonglait avec les nuances les plus pointues de la science, qui parlait de l’infiniment petit avec l’émerveillement d’un enfant qui réussit à démonter un jouet complexe, appartenait à ces hommes de foi d’antan, pour qui l’éducation et la culture multidisciplinaires étaient en soi une glorification de Dieu.
Enfin, il était le plus libanais des bretons et le plus breton des libanais. Taciturne et droit, il était fin observateur de la nature humaine. En 1989, quand enivrés par des promesses tonitruantes et illusoires de libération, nous séchions des cours pour manifester notre soutien à un homme, il nous avait finement conseillé de rester perdre notre temps sur les bancs de la faculté car cela nous serait plus utile au long terme. Reposez en Paix, mon Père, dans les bras du Seigneur.
Carine Chamoun Chammas,
ancienne étudiante du P. Jacques Loiselet sj