P. Joseph MOINGT (28.07.2020)

 

Né au début de la première guerre mondiale et entré en 1938 dans la Compagnie de Jésus, Joseph MOINGT a passé le temps de la deuxième guerre mondiale en captivité en Allemagne, avant d’être ordonné prêtre en 1949. Il a commencé sa carrière intellectuelle à la Faculté jésuite de Lyon-Fourvière où il a enseigné entre 1955 et 1968 l’histoire des dogmes et la théologie dogmatique. Pendant cette période lyonnaise, il participe au renouveau patristique, en particulier par sa monumentale thèse sur la Théologie trinitaire de Tertullien dont les quatre volumes ont paru entre 1966 et 1969.

Arrivé à Paris en 1968, dans un milieu fortement secoué et fécondé par les évolutions culturelles récentes, il affronte de nouveaux publics à l’Institut Catholique de Paris et se trouve impliqué dans la refonte des programmes et des méthodes d’enseignement. De nombreux contacts pastoraux et militants autour de Paris et en France lui permettent de sonder en profondeur les transformations qui affectent les conditions de la foi, mais aussi de participer aux initiatives nouvelles qui fleurissent de tous les côtés.

Nommé à la tête des Recherches de Science Religieuse (RSR), Joseph transforme très rapidement cette institution en laboratoire d’une nouvelle manière de faire de la théologie, comptant non seulement sur un travail en équipe, mais aussi sur l’apport interdisciplinaire. « Bon et fidèle serviteur », il a dû longtemps repousser des travaux personnels au profit d’un travail d’ « artisanat » que représentait alors la confection d’une revue. C’est pourtant mal connaître le tempérament spéculatif de Joseph que de penser qu’il se serait contenté définitivement d’une fragmentation de sa pensée. Commencé à Fourvière et abandonné en 1968, un ouvrage de christologie au titre évocateur, L’homme qui venait de Dieu, renaît ainsi lentement de ses cendres et voit le jour en 1993.

Après avoir quitté en 1997 la direction des RSR – il a alors 82 ans ! –, Joseph se remet courageusement au travail théologique. Entre 2002 et 2006, il publie son chef-d’œuvre qui, comme l’indique le titre Dieu qui vient à l’homme, prend la suite de sa christologie, mais élargit désormais sa pensée à l’ensemble de la foi chrétienne et l’inscrit dans l’histoire moderne et contemporaine. On aurait pu croire que tout était désormais dit. Mais un nouvel horizon se découvre, orientant la recherche vers ce qui sous-tendait les volumes précédents : croire… Croire au Dieu qui vient et, sous forme de livre-testament, L’esprit du christianisme.

Joseph était un passionné de l’intelligence de la foi. Mais depuis sa venue à Paris, il a gardé en même temps une conception engagée, voire « militante » de la théologie : par un nombre considérable de conférences, par des engagements fidèles dans l’aumônerie de l’enseignement public et dans des communautés de base, par de multiples écrits de circonstances, il parle d’une nouvelle figure d’Église et témoigne de son souci pour l’avenir du christianisme sur le sol européen ; critique et toujours bien ciblé, son humour met du « sel », là où une pensée trop bien-pensante risque de faire disparaître les aspérités de notre réel socio-politique et ecclésial.

Liée à un grand sens du service et de la discrétion, sa ténacité spirituelle a beaucoup impressionné et ému celles et ceux qui ont fréquenté Joseph au cours des dernières années. Avec beaucoup de patience et en pleine conscience, il a abordé l’ultime étape de sa vie quand, après une chute en début d’année et une longue hospitalisation, il a dû rejoindre récemment la communauté jésuite de Vanves et l’EHPAD Maison Soins et Repos. Au jour le jour, il vivait parmi nous comme si l’éternité était simplement dès maintenant ou, pour le dire avec les mots de saint Irénée, comme « homme, vivant en juste sur la terre, et qui oublie de mourir ».

Christoph THEOBALD sj