René Lemasurier, né en 1925 près de St Lô dans la Manche, aurait fêté ses 97 ans le 10 août. Un souvenir familial, partagé par une sœur et ses neveux, rapporte son trajet en vélo, en 1944-45, à travers le Cotentin, pour retrouver la maison familiale de la Chapelle en Juger. Il remonte l’armée américaine de Patton, filant sur Avranches. A l’arrivée, la maison familiale n’est plus qu’une ruine rasée par les bombardements…
Après des études à Paris (droit, sciences politiques), il entre au noviciat de Laval en 1950. René choisit la Compagnie de Jésus avec le désir de devenir prêtre ouvrier. Les circonstances ou les supérieurs en décideront autrement. René finit sa formation jésuite en 1960, après son Troisième An à St Asaph, au Pays de Galles.
Commence une longue période de mission auprès des jeunes, 32 ans au total : aumônier d’étudiants à Brest, père spirituel des Terminales au Collège du Mans, puis aumônier de lycée public technique à Guéret et du lycée Gustave Eiffel à Bordeaux. Cette première mission auprès des jeunes a été heureuse et féconde pour René. En témoigne l’amitié gardée avec un groupe d’anciens étudiants de Brest qui se retrouveront régulièrement, jusque récemment, autour de lui.
Dans les années 1980-90 René sera aussi aumônier des camps d’été de l’AVISO, avec d’autres jésuites (Jean Desmartis, Pierre Jubert) à Mauriac, dans le Cantal. J’y découvrirai la voie ignatienne et ma propre vocation jésuite. De ses années au collège du Mans, Pierre Iratzoquy, son successeur, témoigne : « J’avais été impressionné par sa réflexion et son action auprès des élèves et de la communauté éducative sur un aspect spécial de l’Evangile : la construction de la Paix. Il vivait cette réflexion à travers le mouvement PAX CHRISTI. Parfois non sans fortes réactions de la part de grands responsables militaires, proches de l’un ou de l’autre des membres de la Communauté éducative ». Jusqu’à sa mort, René reste adhérent de PAX CHRISTI.
La deuxième partie de sa mission, à partir de 1992, sera en paroisse : curé de la paroisse St Martial à Bordeaux, services paroissiaux près de Bordeaux. René avait le goût, la fibre pastorale de s’adresser à tous en paroisse, aux petits, aux pauvres. Sa liberté de ton, sa conviction souvent tranchante, touchaient par leur clarté, leur rapport concret à la vie des gens. En communauté, René avait été quelques années supérieur à Bordeaux. « Supérieur ? Supérieur en quoi… ? », pouvait-il dire. Estimant que la Compagnie lui en voulait, il en restait blessé et l’exprimait. Cela ne l’a pas empêché de rendre à l’EHPAD de Vanves, qu’il rejoignit en 2013, de nombreux services pastoraux (paroisses, aumôneries) et d’aider ses frères de communauté (conduites médicales), autant qu’il aura pu.
A partir de l’été 2020, ses ennuis de santé se font plus nombreux. René garde toutefois une vitalité étonnante pour les affronter. La publication de l’encyclique Fratelli tutti du Pape François, le 3 octobre 2020, sera pour lui une dernière révélation qu’il n’aura de cesse de vouloir partager.
P. Henri Michardière sj,
Vanves