En 1941, peu avant l’entrée en guerre du Japon, Pedro Arrupe est incarcéré pendant un mois et demi, soupçonné d’espionnage. Ce temps en prison est dur, tant par les privations que par l’inconnue de son sort.
Mais il est aussi pour lui une expérience spirituelle intense, le « mois le plus instructif de sa vie » : « J’ai appris la science du silence, de la solitude, d’une solitude profonde et sévère, le discours intérieur avec l’âme, cet hôte que je n’ai plus jamais côtoyé avec autant de satisfaction qu’à cette époque. »[1]
En 1945, lorsqu’éclate la bombe nucléaire, Arrupe est responsable du noviciat, à 7 km du centre d’Hiroshima. Du haut de la colline qui a protégé la communauté, Arrupe découvrira l’ampleur de la catastrophe qui a touché la ville. De suite le noviciat est transformé en dispensaire où seront accueillis plus de 150 patients.
[1] cité par Maier, M., Pedro Arrupe (1907-1991). Un supérieur général témoin et prophète, coll. Petite Bibliothèque Jésuite, Namur-Paris 2016, 18.
Heureux les artisans de paix !
L’un de ses textes relatant l’explosion de la bombe atomique à Hiroshima permet d’entendre sa voix et d’approcher davantage la foi profonde de cet homme de décision et de compassion.
« Les flammes sautaient de maison en maison, dressant un mur infranchissable d’immenses langues rougeâtres. Une fumée noire, dense et aveuglante; enveloppait complètement les rues et sortait des édifices dont le bois était la proie des flammes. (…) Il n’y avait pas de temps à perdre. Nous ne pouvions faire que deux choses prier intensément et travailler sans relâche. Avant de prendre une décision concrète, je me rendis à la chapelle, dont un mur avait été pulvérisé, pour demander au Seigneur de nous éclairer dans les affreuses ténèbres où nous nous trouvions soudainement plongés. Partout régnait la mort, la destruction. Nous étions anéantis par notre propre impuissance. Mais Lui là-bas, au tabernacle, connaissait tout, voyait tout, et n’attendait que notre invitation pour participer avec nous à l’œuvre de reconstruction qui allait suivre.
Que Dieu semble proche dans le fracas de la tempête ! Et combien davantage l’éprouve-t-on encore quand on vit parmi des millions d’infidèles qui jamais ne l’invoquent, parce qu’ils ne le connaissent pas ! Tout le poids moral de la prière nous incombait, petite poignée de jésuites qui, dans cette maison de Nagatsuka, connaissions Celui qui peut apaiser les vagues déchaînées de la mer … et les flammes d’un incendie.
Lorsque je quittai la chapelle, ma résolution était prise. Notre maison devait se transformer en hôpital improvisé. Tous adhérèrent à cette idée avec ardeur, et dans un enthousiasme né du chagrin provoqué par la vue de tant de souffrances, se déclarèrent prêts à y collaborer (…) Avant même le retour de ceux qui étaient partis à la recherche de vivres, se pressait chez nous une grande foule, aux corps défigurés et mutilés. »
in Pedro Arrupe, L’espérance ne trompe pas, pp 203-205.
Autres méditations de Pedro Arrupe, sur l’espérance
« C’est précisément dans les difficultés insurmontables qu’est la racine de notre optimisme confiant. mais c’est encore davantage quand il semble que nous devrions désespérer parce que nous ne voyons aucune solution, c’est alors que nous écoutons saint Paul : « Une espérance qui se voit n’est pas une espérance » La véritable espérance c’est « espérer ce que nous ne voyons pas (Rm 8,24-25) » »[1]
« Certains états d’abattement, de désolation, d’atonie apostolique, ne pourront être surmontés que par cette espérance de fond, ranimée sans cesse par un dynamisme apostolique, fondé sur le Christ, mais stimulé par la joie d’une tâche dont le sens est mieux perçu. L’espérance du jésuite, dans les circonstances difficiles que traversent l’Eglise et la Compagnie, ne peut être que le fruit d’une confiance totale en Dieu qui fait son œuvre, et non pas en nos forces ni en notre générosité : « Ce trésor, nous le portons en des vases d’argile, pour que cet excès de puissance soit de Dieu et non pas de nous. » [2]
[1] Arrupe, P., L’espérance ne trompe pas. Préface de H. Madelin, Paris 1981, 103-104.
[2] ibid, 355-356.
> Photos : © Archives de la Province jésuite d’Europe occidentale francophone / Curie jésuite à Rome