Portrait : Véronique Albanel

« Seule la capacité d’agir, de commencer à nouveau peut accorder aux affaires humaines la foi et l’espérance » : cette citation et, plus largement, la pensée d’Hannah Arendt inspirent la vie de Véronique Albanel. La pensée et l’action sont deux activités qu’elle tente de mener de front. Si l’enseignante du Centre Sèvres dit aimer le travail de la pensée, la présidente de JRS France trouve une réelle joie dans l’action.

En 1997, à la naissance de son sixième enfant, Véronique Albanel, alors juge administratif, décide de faire une pause dans son parcours : entre le désir d’aller vers les plus pauvres et celui de se former, son discernement la conduit au Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris. Les portes s’ouvrent… et ne se sont pas fermées depuis. « Au bout d’un an, les questions étaient encore plus nombreuses, bien plus que les réponses. »

Après une formation en théologie, elle s’oriente vers la philosophie, discipline qui l’aide à aller vers les autres. Plus que tout, elle redoute « l’entre-soi, la tentation d’exclure, sur des apparences, ceux qui semblent différents. C’est de l’ouverture à l’autre que peut naître la joie, et de la capacité à rejoindre celui qui est différent que vient l’espérance » Après sa thèse de doctorat consacrée à Hannah Arendt, elle enseigne au Centre Sèvres et à Sciences-Po.

Aller aux frontières, unir la pensée et l’action : de ce double désir est né son engagement en 2007 au sein de l’association JRS France, qui accueille et accompagne les demandeurs d’asile et les réfugiés. Elle participe au démarrage de JRS Welcome, le programme d’hospitalité provisoire dans des familles bénévoles, et héberge elle-même des migrants. Une belle aventure qui fait grandir et rassemble toute sa famille. « Se laisser surprendre, ouvrir sa porte et son cœur, convertir son regard : telle est la joie incomparable de l’accueil », nous dit la Parisienne d’adoption, qui est née et a grandi à l’étranger.

Vivant au plus profond d’elle-même cette pressante nécessité d’agir, elle invite chacun à faire bouger les lignes : « Que ferions-nous, Européens, si la guerre nous contraignait à migrer de l’autre côté de la Méditerranée et qu’on nous y accueillait au cri de ‘Rentrez chez vous’, comme le chantent les rappeurs Bigflo et Oli ? » Relisant son parcours, Véronique Albanel voit ses choix comme une succession de « petits oui », fruit du discernement et de l’amitié. Aussi éprouve-t-elle de la gratitude à l’égard des jésuites et conclut, non sans humour : « Si des profils aussi différents sont capables de cohabiter, c’est un signe d’espérance pour notre monde. »

Caroline Jeunechamps
Source : Échos jésuites • no 2019-1, p.19

Véronique Albanel est Docteur en philosophie, professeur de philosophie au Centre Sèvres, maître de conférences à Sciences Po. Elle est aussi Présidente de JRS France – Service Jésuite des Réfugiés. Elle a publié Amour du monde : christianisme et politique chez Hannah Arendt, Cerf, 2010.

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