Le synode sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » s’est déroulé à Rome, en octobre dernier. La traduction française du document final vient de sortir. À l’issue du synode sur les jeunes, nous avons interrogé le P. Giacomo Costa, jésuite et secrétaire spécial du synode. Retour sur un synode à l’esprit « très ignatien ».
Les 16 à 29 ans représentent 1,8 milliard de personnes sur Terre, relève le jésuite et sociologue italien Giacomo Costa sj, secrétaire spécial du synode. Pourtant, en Occident, un grand nombre de lieux d’Église accueillent davantage les têtes blanches que les jeunes générations. Est-ce à dire que les jeunes se désintéressent de la foi ? Ou ne trouvent-ils simplement pas leur place dans l’Église? » En convoquant le synode, le pape François a voulu entendre le cri et l’espoir des jeunes : que demandez-vous à l’Église ? », ajoute-t-il ?
Père Giacomo Costa, comment définiriez-vous la relation entre les jeunes et l’Église ?
La relation entre les jeunes et l’Église est multiple : elle varie selon les contextes, les pays, les jeunes eux-mêmes… On ne peut la définir en une phrase. En beaucoup de lieux, les jeunes sont loin de l’Église et ne la connaissent pas, ils n’en attendent rien. Dans d’autres pays, les jeunes sont très présents et investis dans l’Église. Ce qui ressort, c’est que les jeunes rêvent d’une Église relationnelle, authentique, cohérente et pas d’abord institutionnelle. Il est bon de regarder les choses autrement. Ce synode nous a fait davantage prendre conscience qu’il n’y a pas « les jeunes d’un côté et l’Église de l’autre ».
La mission éducative, la mission de « prendre soin » de tous les jeunes est centrale et inhérente à l’Église. Celle-ci a le profond désir de rejoindre et d’accompagner tous les jeunes, sans exception, pour leur annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile et pour leur proposer la rencontre vivante du Christ. Les jeunes sont au cœur et dans le cœur de l’Église parce qu’ils sont dans le cœur de Dieu, notamment parce que beaucoup d’entre eux traversent des situations de souffrances.
Ce synode, dans lequel les jeunes ont pris une part très active, a aussi aidé l’Église à réaliser combien les jeunes sont déjà partie prenante de la mission de l’Église et aspirent à y être pleinement acteurs. Ils peuvent même être un « moteur missionnaire », pionniers dans les domaines de la lutte contre la pauvreté et les injustices, l’écologie et la sauvegarde de la planète, la question des migrants, le numérique… In fine la relation entre l’Église et les jeunes est une relation de réciprocité : ils ont beaucoup à apporter et l’Église à travers ses aînés et accompagnateurs a beaucoup à leur donner pour les former et les aider à trouver leur chemin.
Qu’entend-on par « discernement » ?
Le terme « discernement » recouvrent plusieurs sens ; ces significations ne s’opposent pas mais ne coïncident pas non plus. En un sens large, « discernement » indique le processus de prise de décision pour les choix importants ; un deuxième sens, plus propre à la tradition chrétienne, correspond à la dynamique spirituelle par laquelle une personne, un groupe ou une communauté s’efforcent de reconnaître et d’accueillir la volonté de Dieu dans le concret de leur situation.
Durant la réunion pré-synodale, un jeune a bien exprimé l’importance du discernement pour la vie : « Aujourd’hui, comme des milliers d’autres jeunes, croyants ou non croyants, je dois faire des choix, surtout pour ce qui concerne mon orientation professionnelle. Toutefois, je suis indécis, perdu et préoccupé. […] Je me trouve maintenant comme face à un mur, celui de donner un sens profond à ma vie. Je pense avoir besoin de discernement face à ce vide. »
Le travail effectué au cours de la réunion pré-synodale a repris et approfondi à plusieurs reprises sa question, et a souligné les difficultés que rencontrent les jeunes : « Quand on leur pose la question ‘Quel est le sens de ta vie ?’, beaucoup de jeunes ne savent pas comment répondre. Ils ne font pas toujours le lien entre leur vie et la transcendance ». Souvent, en effet, les jeunes oscillent entre des approches aussi extrémistes que naïves : comme se considérer soumis à un destin déjà tout écrit ou se sentir écrasé par un idéal abstrait de réussite, dans un contexte de compétition dérégulée et violente. Il est possible de reconnaître dans cette situation une opportunité pour l’Église, même si les jeunes ont du mal à la percevoir comme étant en mesure de leur apporter de l’aide. Beaucoup de jeunes ne savent pas comment mettre en place un processus de discernement, c’est donc une occasion pour l’Église de les accompagner.
Comment définissez-vous le « discernement vocationnel » ?
Si l’on considère plus spécifiquement le discernement vocationnel, une pluralité de niveaux entrent en jeu. Comme l’a souligné le pape François, il y a un niveau qui concerne tous les hommes et toutes les femmes : « Nous avons tous besoin du discernement. Quand il y a ce vide, cette inquiétude, il faut discerner. » En ce sens, le synode entend s’occuper de « chaque jeune, sans en exclure aucun », en offrant la disponibilité à tous de les accompagner dans le processus qui les conduira à découvrir la lumière et la vérité sur eux-mêmes, à accueillir le don de leur vie et à trouver la part qu’ils sont appelés à donner à la société et au monde.
Concrètement, que ressortira-t-il de ce synode ?
Ce synode nous a fait vivre une expérience forte de synodalité, dans le sens étymologique « cheminer ensemble ». Bien sûr, il aboutit à l’écriture d’un Document final qui contient des axes et orientations ainsi que quelques pistes pratiques. Mais bien plus que cela, le synode est une expérience humaine, spirituelle et ecclésiale. L’expérience des disciples d’Emmaüs marchant avec Jésus, l’expérience d’une nouvelle Pentecôte, une expérience pascale de Résurrection qui envoie en mission toujours plus au large.
Cette expérience de synodalité, beaucoup ont à cœur de la partager et de la faire vivre à leur retour dans leur Église locale. La synodalité est vraiment la clé de l’évangélisation des jeunes, de la mission de l’Église aujourd’hui. Un des axes forts qui ressort du synode est donc l’enjeu de faire vivre et de déployer ce « cheminer ensemble » à tous les niveaux de l’Église comme une écoute commune de l’Esprit dans des processus participatifs d’écoute réciproque et de dialogue, de recherche commune pour mieux servir l’annonce de l’Évangile et la mission dans notre monde contemporain. Il ressort de ce synode un fort désir de poursuivre et transmettre cette expérience car nous avons expérimenté la joie et la fécondité de la synodalité.
Quel regard spécifique le jésuite porte-t-il sur le synode ?
Le rôle du secrétaire spécial est généralement de coordonner les experts en vue de la rédaction du Document final du synode. En fait, c’était plutôt pour moi l’occasion de mettre au service d’un cheminement ecclésial de discernement, mon expérience d’accompagnement communautaire, développée au cours de nombreuses années d’activité comme jésuite. Comme le pape François l’a répété maintes fois, il est important d’aider les communautés ecclésiales à grandir dans leur capacité de discernement, à saisir l’appel que l’Esprit leur adresse dans l’aujourd’hui, et à accompagner le cheminement de tout homme et femme. Et en cela, il demande l’aide de la Compagnie, notamment dans la formation à tous les niveaux. Propos recueillis par C. Jeunechamps
Pour aller plus loin
> Document final en français (site web du synode 2018)