Dans cet entretien, Guillaume Rossignol, directeur de JRS France, revient sur les actions menées ces derniers mois par les différentes antennes de JRS France auprès des réfugiés en provenance d’Ukraine. Il souligne notamment le bel élan de solidarité de la part des Français ainsi que la collaboration entre les pouvoirs publics, les grands opérateurs de l’accueil et les acteurs de l’hébergement citoyen.

Que pouvez-vous nous dire sur l’accueil général réservé en France aux personnes déplacées d’Ukraine ?

Il est remarquable de constater qu’en quelques semaines, en France, l’ensemble des administrations s’est mobilisé pour accueillir les réfugiés ukrainiens. L’Europe a proposé rapidement un statut assez protecteur, décliné par la France, qui leur permet de travailler, d’avoir un accès aux droits immédiats, etc. On observe toutefois une forme de tension car les autres personnes demandeuses d’asile ou réfugiées ne bénéficient pas de cet environnement juridique et administratif, favorable et positif en vue de leur intégration.

crise ukraine personnes refugieesEn termes de chiffres, la France a accueilli moins de réfugiés ukrainiens que d’autres pays : environ 60 à 75 000 personnes ont été accueillies à ce jour en France (2,7 millions en Pologne, 400 000 en Allemagne, près de 200 000 en Espagne). Plusieurs raisons à cela : la diaspora ukrainienne est moins nombreuse en France, notre pays étant plus éloigné de l’Ukraine que certains autres pays, mais cela n’explique pas tout. La France a peut-être aussi une image moins attractive depuis l’extérieur, notamment du fait de certaines positions relayées au cours de la période électorale. L’action de JRS France est de ce fait plus modeste que les antennes JRS dans d’autres pays, notamment ceux limitrophes de l’Ukraine.

Quelles sont les actions menées par JRS France pour aider les personnes déplacées d’Ukraine ?

Nous menons trois actions principales : tout d’abord, il s’agit d’apporter des « outils » à tous ceux qui accueillent des réfugiés. Il y a eu un très bel élan de beaucoup de Français pour accueillir ; mais ces derniers sont souvent très démunis sur « comment faire » pour accueillir dans le cadre de l’hospitalité citoyenne. De par son expérience, JRS France propose donc des recommandations pour que l’accueil se déroule dans les meilleures conditions à destination de son réseau ainsi qu’aux particuliers, acteurs publics, centres d’action sociaux et même à l’État.

Il s’agit ensuite de proposer une réponse spécifique d’accueil pour les familles originaires d’Ukraine. En effet, le programme d’hospitalité citoyenne JRS Welcome est destiné principalement à des personnes majeures isolées. Or, les personnes venant d’Ukraine sont surtout des familles, essentiellement des femmes avec enfants. Pour ces personnes, nous avons donc adapté notre cadre en leur proposant des lieux autonomes ou semi-autonomes (appartements, studios), mis à disposition pour des durées limitées (de trois mois, éventuellement renouvelables jusqu’à un an), par des particuliers, congrégations ou des personnes morales. Aujourd’hui, à Paris, nous avons déjà mis en place une quinzaine de lieux d’accueil de ce type, pour une quarantaine de personnes. Et aussi quelques-uns en région. JRS France a également déployé des modalités spécifiques d’accompagnement bénévole pour ces familles afin d’aider les enfants à aller à l’école, s’orienter et s’intégrer dans son quartier…

Quels sont les défis que vous identifiez pour les mois à venir ?

Nous désirons tout d’abord accompagner les personnes qui se sont engagées dans un hébergement spontané, mais qui n’ont pas rejoint une structure. En effet, accueillir chez soi ne s’improvise pas et peut-être exigeant. Cela nécessite d’être formé et soutenu. Une hospitalité citoyenne qui n’est pas bien discernée et accompagnée peut risquer d’être mal vécue, de passer à côté de la rencontre ou rendre la vie collective très difficile.

Il s’agit aussi de faire avec la temporalité de ce qui se passe en Ukraine. Certaines personnes sont déjà reparties à Kiev ou ailleurs. Même si nous ne savons pas combien de temps ces personnes vont rester, il faut veiller à bien les accueillir au quotidien. Il est nécessaire d’inscrire dans le temps l’élan de solidarité que la crise ukrainienne a suscité. Notre rôle est aussi d’ouvrir le regard et les cœurs aux étrangers au-delà de l’Ukraine, parce que d’autres personnes vivent cette situation et sont également nos frères, et de s’ouvrir à une hospitalité plus universelle.

Enfin, il s’agit de faire avancer la question des conditions d’accueil dignes en prolongeant la dynamique vertueuse pour l’accès d’un statut à toutes les personnes déplacées par force. La crise ukrainienne a favorisé une nouvelle relation entre les pouvoirs publics, les grands opérateurs de l’accueil et les acteurs de l’hébergement citoyen. Nous comptons faire en sorte que cette ouverture améliore l’accueil et l’intégration des personnes ayant un statut plus précaire.

Dans ce contexte, je demeure émerveillé de voir que l’accueil de l’étranger fait naître énormément de solidarités locales entre des personnes qui ne se seraient, autrement, jamais parlé. Cela crée du commun et retisse des liens et une alliance entre nous tous.

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Guillaume Rossignol, Directeur de JRS France

Pour aller plus loin

> Consultez le dossier spécial sur la guerre en Ukraine.

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